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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/219

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définition, mieux encore, une analyse excellente. Nous l’avons présentée alors aux lecteurs de la Revue. [1]. L’occasion paraît bonne d’y revenir. C’est à propos de Bellini et des plus admirables mélodies de Norma, des Puritains et de la Somnambule, que M. Pizzetti a décrit cette forme et comme cette catégorie de la beauté musicale qu’il nomme le « canto puro. » Par où d’abord il entend, ce qui va presque sans dire, — une ligne de sons, une seule. Un instrument » d’ailleurs, aussi bien qu’une voix, peut la tracer. Mais alors même qu’un instrument l’exécute, le véritable chant, le canto puro, se reconnaît à ce signe, qu’il nous cause l’impression, très forte et très profonde, d’être chanté par une voix humaine. Humanité, d’abord, et de plus, — excusez le néologisme, — « vocalité, » l’un et l’autre caractère peuvent, il est vrai, manquer et manquent en effet à d’innombrables mélodies. Celles ci, pour n’être pas moins belles, le son alors d’une beauté différente : beauté que l’on voit, comme dit M. Pizzetti, tandis que la beauté du canto puro, du chant vocal, humain par excellence, est plutôt une beauté que l’on sent.

A cette beauté simple et nue, à cette mélodie individuelle et solitaire, M. Pizzetti reconnaît que « l’accompagnement de ses mystérieuses harmonies génératrices » peut ajouter « des lumières et des ombres, un surcroît de relief et de puissance expressive. « Tel est justement l’apport ou l’appoint nouveau qui fait le prix de la présente édition. » « Mais tout de même, » poursuit avec raison M. Pizzetti, « c’est en soi seul, en ses lignes, en ses mouvements, en ses accents, » que la mélodie pure doit « trouver les éléments essentiels de son être et de sa perfection. »

Ancienne, mais toujours jeune, et pour toujours, que cette mélodie-là soit la bienvenue parmi nous. Souscrivons, concourons à son apothéose. Il y a, dit encore, à peu près, notre confrère, il y a la musique qui sonne, mais il y a la musique qui chante. Et, vous le savez, ce n’est pas de celle-ci que notre époque abuse. Alors, comme le conseillait un jour le dernier, jusqu’ici, des grands mélodistes italiens, « torniamo all’ antico. » Oh ! le délicieux et salutaire retour ! Et pourquoi ne goûterait-on pas autant de joie, plus peut-être, et plus sûre, à découvrir le passé qu’à deviner, à déchiffrer l’avenir ; Bénis soient les vieux maîtres, de nous rappeler qu’une ligne sonore, une seule, peut être un chef-d’œuvre, une merveille égale à la plus complexe des symphonies. De la mélodie d’un Ariosti ou d’un

  1. Voyez le numéro du 15 octobre 1918.