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le Tyrtée des Catilinas d’arrière-boutique, l’Anacréon des boudoirs-omnibus ; c’est la maison Laffite et toute sa clientèle qui veut l’emporter sur la maison de Bourbon et la maison de Dieu, et qui les diffame grossièrement et méchamment. » La princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin était fanatique d’Hugo et de Lamartine : « c’était un peu moins sale que Béranger. » Musset, « le pauvre charmant Musset, » son Fantasio est « une rêverie, mais de la pire espèce ; une rêverie préparée, combinée, machinée, fardée et fatiguée. » Veuillot ne déteste pas Musset continûment : « Quelquefois Musset poussait un cri sublime. L’âme se réveillait un instant, étendait son aile brisée, mais immense, versait une larme, jetait un rayon et de pures étoiles venaient luire encore à ce front souillé. Quelques-unes sont impérissables... » Cependant, « ce Musset est très salissant ; il est flandrin, vaurien, goujat même ; il fusille la Croix. » Lamartine ? « L’homme qui, après avoir reçu la harpe sainte, en a tiré, au gré de ses flatteurs, des chansons pour Elvire, des outrages pour le Dieu du Sinaï, des blasphèmes contre le Dieu du Calvaire. » Un sceptique, « sous une enveloppe de fade religiosité. » Un sensuel : et, son Elvire ou Frétillon, c’est à peu près la même chose. Un mercanti ; car « il a promené partout sa grasse pauvreté, tendu sa sébile au coin de tous les feuilletons, employé toutes les ruses pour obtenir, par cette industrie de la mendicité poétique dont il est le créateur, tout l’or et tout le billon que la compassion et la vanité se peuvent laisser traire. Sa poésie ? Il « ne raisonne jamais, ne chante même pas : il vocalise. »

Voilà comment Veuillot fonce avec entrain sur la chiennaille. L’ennui, c’est qu’il a mis dans la chiennaille plusieurs écrivains et poètes qu’on n’arrive pas à mépriser ou qu’on admire. L’ennui, c’est qu’il fonce toujours et que jamais il n’éprouve aucune fatigue ou le doux besoin d’un repos durant lequel se calmerait sa fougue et deviendrait plus conciliante un peu sa rude pensée. L’ennui, c’est que la perpétuelle injure, à la fin, cesse de porter coup. L’on dirait que le critique a modifié, par jeu, les habitudes anciennes du langage et qu’il s’amuse à prendre le ton plus haut comme ferait un fantasque musicien. Quand Veuillot vous accuse tel ou tel d’infamie ou de trahison préméditée, l’on entend qu’il n’est pas du même avis que le pauvre garçon et qu’il a deux ou trois objections à lui faire.

Ce n’est pas cela ; et les mots qu’il emploie, il les a choisis sans badinage ou maladresse : car il ne badine pas et il est excellent écrivain. Mais il défend sa cause et il défend la religion. Vous aimez la