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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/32

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Rome, à l’écart de l’Autriche et par-dessus l’Autriche, avait commencé de prendre contact, personnellement, directement, avec les États slaves séparés d’elle. Un Concordat se signait dès 1886 entre elle et le Monténégro : Rome, à l’avenir, n’aurait plus besoin de l’Autriche pour défendre vis-à-vis de cette principauté slave les intérêts de la petite communauté catholique. On sentait Vienne en méchante humeur : le Franciscain qui, sous le nouveau régime concordataire, avait accepté l’archevêché d’Antivari, était privé par l’Autriche de la retraite dont il jouissait comme ancien professeur de séminaire en Dalmatie. Mais les Slaves retenaient qu’il y avait désormais, dans un angle du Balkan slave, une Eglise unie à Rome, et tout en même temps indépendante de l’influence autrichienne, une Eglise qui, se passant de François-Joseph, ferait ses affaires toutes seules, farà da se ! Etrange petit archidiocèse ! Il n’avait pas de cathédrale, et très peu de sanctuaires : c’est avec un appareil bien pauvre, bien débile, que l’Eglise romaine faisait sa rentrée dans le monde des États slaves, sans plus souhaiter d’autre protection que le prestige de Léon XIII.

Cette indigence n’effrayait pas le pontife ; et depuis longtemps ses regards se tournaient du côté de la Serbie, pour l’ébauche d’une politique concordataire. En 1883, de nombreux ouvriers italiens travaillaient, entre Belgrade et Nisch, à la construction d’une voie ferrée : un Barnabite, Tondini, leur fut envoyé par Strossmayer, pour s’occuper d’eux. On n’entre pas, signifia Khevenhüller, ministre de François-Joseph à Belgrade : en vertu même de son office de représentante des intérêts catholiques, l’Autriche éconduisait ce prêtre et sevrait de Dieu les pauvres âmes italiennes, en terre de Serbie. — Je suis vicaire apostolique de Serbie, ripostait Strossmayer : il exigeait que ce prêtre eût accès auprès de ces humbles. Tondini, finalement, franchissait la frontière serbe, et le roi Milan lui disait : « Un concordat est une nécessité pour la Serbie. Sa dignité exige, depuis qu’elle est érigée en royaume, que le chef spirituel de quinze mille catholiques ne réside pas à l’étranger. » Un an plus tard. Milan tenait le même langage à Strossmayer.

Attention ! objectait Khevenhuller à Tondini : « c’est un principe de notre politique, hérité de Schwarzenberg et de Metternich, que nous exercions, du fait de la juridiction d’un évêque autrichien, une sorte de contrôle sur les catholiques de Serbie, »