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en plein XXe siècle, une sorte de verdict théocratique, paraissait fort mécontente elle-même de certaines démarches du Saint-Siège.

Il déplaisait à l’Autriche qu’en mai 1915, au moment où elle se targuait d’avoir aboli par le succès de ses armes le nom même de la Serbie, le gouvernement de Benoit XV ratifiât, avec le cabinet Serbe déraciné, ce Concordat que la chancellerie de Vienne avait considéré comme une catastrophe : la pauvre Serbie, expropriée de son sol, mais non de son âme, faisait encore figure d’État, pour le Vatican.

Il déplaisait à l’Allemagne qu’en juillet 1915, au moment même où quelques kilomètres autour de la Panne marquaient les limites de la souveraineté belge, le cardinal Gasparri écrivît officiellement au ministre de Belgique que Benoit XV, réprouvant devant le consistoire du 22 janvier précédent toutes les violations du droit, avait compris sous ce terme l’attentat germanique contre la neutralité belge.

Il déplaisait à l’Allemagne d’apprendre, le 10 septembre 1917, par une autre lettre du même cardinal, que dans la note pontificale du 1er août, l’alinéa où le Pape prévoyait, pour raisons de justice et d’équité, l’éventualité de certaines indemnisations, visait, entre autres cas, celui de la malheureuse Belgique.

Il déplaisait à l’Allemagne, encore, que, dans son allocution consistoriale de Noël 1917, Benoît XV célébrât solennellement la prise de Jérusalem par les armées de l’Entente, qu’il saluât ce fait de guerre comme une rencontre des desseins humains avec le plan divin, qu’il discernât dans les événements de Jérusalem « un langage singulièrement éloquent, » et qu’il parût y lire, — c’est ce qui mettait en courroux la Gazette de Cologne, — « une sorte de jugement de Dieu en faveur de l’Angleterre et de la France[1]. »

Cependant les diverses opinions nationales, en terres d’Entente, persistaient à réclamer du Vatican qu’il donnât au « Jugement de Dieu » une expression plus décisive et plus tranchante, plus dégagée des complexités coutumières au langage de chancellerie, plus directement accessible aux oreilles profanes, plus susceptible, en un mot, de se passer d’interprétations. Leurs exigences à l’endroit du vicaire de Dieu, chef

  1. Nouvelles religieuses, 1er décembre 1918, p. 708.