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LETTRES D’EXIL

II [1]


A Démosthène Ollivier.


4 février 1872.

Je persiste à ne pas croire au triomphe des rouges. Ils obtiendront des minorités menaçantes, non des majorités. Les forces conservatrices, au moment suprême, se relèveront. Il n’y a que la terreur qui pourrait les comprimer et la situation ne la comporte plus. L’état du Midi est exceptionnel ; il se modifiera dès que le gouvernement cessera d’être à moitié complice. Quant au fond des choses, ou nous sommes capables de la liberté, et alors on ne s’arrêtera à la monarchie constitutionnelle qu’un moment, si on s’y arrête, et on ira à la République, la forme la plus naturelle et la plus élastique de la liberté ; ou nous n’en sommes pas capables, et alors on pourra peut-être aussi passer par la monarchie constitutionnelle, mais on ne s’y arrêtera pas et on ira jusqu’à l’Empire, la forme la plus forte et la plus démocratique de la Dictature. Henri V ne peut être dictateur : il n’inspire pas assez de confiance à la révolution. Les d’Orléans participent de la Légitimité et de la Révolution, mais des deux ils n’ont que les faiblesses. Leur unique chance serait, après s’être emparés du pouvoir, d’en profiter pour prendre une revanche heureuse sur la Prusse : cela les sacrerait. Sans doute il est difficile de prévoir le quand et le

  1. Voyez la Revue du 15 juin.