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faites pas attendre le reste ; j’y porte, indépendamment de toute affection, un vif intérêt.

Le radicalisme gagne en France. Il est certain que, si les rouges arrivent, leur triomphe ne sera qu’un accident passager ; toutes les forces sociales se concentreront et en viendront à bout. Il est même certain que si les conservateurs étaient convaincus de l’imminence du péril, ils le conjureraient. Ce qui m’inquiète, c’est leur optimisme. Ils sont encore où ils en étaient en 1869, quand je leur montrais la Commune dans l’ombre : « Bah ! le spectre rouge ! nous n’y croyons pas. » Ils l’ont vu ! mais ils l’oublient. Peut-être se raviseront-ils à temps et tout sera sauvé.

A bientôt et de cœur doublement vôtre depuis mon passage à Rome.


A M. Corsi, président de la Section d’Économie politique à l’Académie économique des Georgophiles à Florence.


29 juin 1872.

Très illustre Signor,

Je reçois aujourd’hui seulement l’invitation que vous avez bien voulu m’adresser. Il m’est donc impossible d’assister à votre intéressante discussion. Il appartient à la ville qui a créé le Droit politique moderne, et dont le génie a égalé celui d’Athènes, d’éclairer le problème encore bien confus de l’élection. Mais, en pareille matière, les mœurs publiques font plus que les institutions. Où les mœurs sont anarchiques, aucune institution n’est efficace et la force est le dernier mot obligé de toutes les questions. Où les mœurs sont libérales, les institutions les plus imparfaites se redressent elles-mêmes par le mouvement naturel des choses. L’Angleterre est devenue une nation très libre avec un système électoral pitoyable, et d’autres nations, avec un système préférable, n’ont su qu’osciller de révolutions en révolutions. A mon avis, la première condition d’un système électoral quelconque est la destruction de l’esprit révolutionnai re qui est la négation de l’ordre électoral. Ainsi élevé, le débat demande un livre et je ne puis vous envoyer qu’un remerciement.

Florence est pour mon cœur une seconde patrie et il m’eût été doux d’ajouter un nouveau souvenir aux souvenirs chers que je lui dois déjà.