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Elle ressuscita, en effet, vingt-six ans après sa suppression, le 22 mai 1819, au temps où le comte de Tocqueville, père du futur auteur de la Démocratie en Amérique, était préfet de la Moselle, assisté d’un conseil de préfecture dont faisait partie M. de Maud’huy, chevalier de Saint-Louis, ancien député de la Moselle, ancêtre du gouverneur actuel de Metz. Le maire de la ville était un autre parent du général de Maud’huy, M. de Turmel, qui mit à la disposition de l’Académie renaissante la grande salle de l’Hôtel de ville, où nous avons été convoqués pour la cérémonie du 12 juin dernier.

Dans cette cité passionnément française, le présent est uni au passé par une chaîne où l’on ne voit point de solution de continuité, malgré la catastrophe de l’Année terrible, qui aurait ébranlé, détruit un édifice moins solidement enraciné au terroir héréditaire. Le maire actuel, M. Prével, en ouvrant la séance du 12 juin 1919, à coté de M. Mirman, en présence de M. Millerand, non loin de Mgr Pelt, du chanoine Collin, du général Gouraud, semblait tout naturellement reprendre la conversation, en français, au point où l’avait laissée son prédécesseur, le docteur Félix Maréchal, en 1870... Le président de la Compagnie nous a dit simplement : « La séance continue. »

Séance où l’Académie de Metz, en présence d’une délégation des cinq classes de l’Institut de France, a montré comment une compagnie d’hommes d’étude peut, à force de travail silencieux, dans les plus douloureuses circonstances, malgré les plus cruelles difficultés, bien mériter de la patrie.

Dans les années qui ont précédé 1870, elle a continué, sans encombre, son œuvre d’émulation intelligente et de culture française, toujours fidèle à sa vieille devise, Utilitati publicæ, groupant pour un travail aussi bienfaisant qu’attrayant l’élite d’une population instinctivement tournée vers les occupations de l’esprit par le goût héréditaire des lettres, des sciences et des arts : présidents et conseillers de la cour d’appel, dignes successeurs des magistrats de l’ancien parlement où siégea le père de Bossuet ; chanoines du chapitre cathédral ; officiers de l’École d’artillerie, héritiers des traditions de l’ancien « corps royal « auquel appartint le jeune Bonaparte ; professeurs du lycée, juges du tribunal civil, ingénieurs des mines ou des ponts et chaussées, fonctionnaires de l’État ou du département, médecins lettrés, avocats diserts, toute une société aujourd’hui disparue, hélas ! mais dont les travaux, recueillis dans la collection des Mémoires de l’Académie de Metz, ne comprennent pas moins d’une centaine de