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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/48

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Triste état que celui dans lequel tout homme se pose cette question : Après ? Les dangers du radicalisme sont réels ; cependant je les exagère dans mes lettres en France pour exciter à l’action, car je ne puis croire que notre pays se laisse confisquer par une minorité ; mais quand je vois la seule force qui puisse vraiment lutter, l’Empire, se condamner à l’insignifiance ou se fondre avec la Droite, j’ai peur, comme lorsque, sachant que le torrent grossit, on apprend que des maladroits sont occupés à défaire les digues. Un des plus nobles cœurs de la Gironde, Gensonné, disait à la Convention : « Quand un peuple a reconquis sa liberté, ce n’est point par la force qu’on le ramène à la tyrannie ; les usurpateurs des droits des nations n’ont réussi que par la popularité. » Il ne s’agit ni de tyrannie ni d’usurpation, mais d’organisation des droits de la nation : l’observation demeure juste. -César ne s’appuyait pas sur les vieux sénateurs, ni le vieux Côme sur les aristocrates florentins, ni Bonaparte sur les émigrés, à moins qu’ils ne se fissent chambellans. C’est peut-être une tactique. Tandis que Thiers et les radicaux essaient de s’escamoter les uns les autres, Rouher tente d’absorber les monarchistes, qui eux-mêmes espèrent le détruire. Notons les positions et attendons l’issue.

Si je ne vous écris pas avant la nouvelle année, agréez tous mes vœux bien sincères pour vous et pour ceux que vous aimez.


A l’empereur Napoléon III.


28 décembre 1872.

Sire,

Je ne veux pas que cette nouvelle année s’ouvre sans que vous receviez mes vœux et ceux de ma femme pour vous, pour l’Impératrice et pour votre enfant. Que Dieu fasse enfin luire sur votre tête un rayon consolateur !

Je me permettrai cette fois encore une observation de philosophe : les Césars, les Médicis étaient des hommes d’ordre, mais dans le parti populaire, et Napoléon Ier employait les Conventionnels. Négliger, dédaigner les conservateurs serait impolitique. Se fondre en eux, se tapir dans leurs étroites idées serait un suicide. Après tout, la solution définitive viendra du peuple ; or, le peuple acceptera des dictateurs démocrates, jamais des dictateurs d’ancien régime.