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celle-là, car les deux font un tout. Cet exposé a été écrit sous l’impression du moment ; mais mieux vaut saisir ces illustres nouveautés sur le vif que d’attendre que leur éclat se soit terni par l’accoutumance. Demain, d’autres actes auront recouvert celui-ci ; ce « Livre blanc » ne sera plus qu’un livre ; texte et commentaires seront voilés par la poussière des archives. Le traité lui -même ayant été enlevé en six mois, on me pardonnera de n’avoir pris que six semaines pour le lire et le commenter.


Déjà, il y a trois ans, dans deux articles publiés par la Revue le 15 juin et le 1er novembre 1916, j’ai étudié les « Problèmes de la Guerre et de la Paix. » C’est à cette étude que je donne une suite aujourd’hui.

Sur la nécessité de fonder une Société des Nations et sur certaines précautions à prendre à l’égard de l’Allemagne, les solutions qui me paraissaient désirables sont en conformité avec celles qui ont prévalu à la Conférence. Sur d’autres points, au contraire, et notamment en ce qui concerne le statut présent et futur de l’Allemagne, les principes consacrés par le traité diffèrent de ceux qui m’avaient paru résulter des lois de la nature et des lois de l’histoire.

Il est vrai que le temps a marché. Trois années (et quelles années !) sont un long espace de la vie humaine. La guerre s’est terminée par la victoire des Alliés, mais au prix d’efforts inouïs et de sacrifices immenses. L’intervention des États-Unis de l’Amérique du Nord a été indispensable pour abattre, finalement, le colosse allemand. Que, dans cet intervalle, les points de vue aient changé et que nous ayons dû concéder quelque chose aux réclamations de nos ennemis et aux sentiments de nos nouveaux Alliés, rien ne s’explique mieux.

Cependant, il ne me paraît pas que les raisons permanentes qui avaient fait envisager, par une bonne partie de l’opinion publique française et européenne, des solutions autres, sur certains points, que celles qui ont prévalu, aient perdu toutes leurs forces. Or, si ces forces subsistent, elles agissent. Un jour ou l’autre, nous retrouverons, dans les faits, leur travail souterrain et, plus il aura été négligé ou comprimé, plus une explosion serait à craindre. Il y a donc intérêt à les mettre à un dès l’origine, à les signaler, à considérer le bien et le mal