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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/516

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par l’aréopage européen tient au fait que la paix a eu à consacrer une victoire interrompue et non achevée. Il y eut surprise, pour tout le monde, quand on apprit que l’armistice était signé. Il a été démontré depuis, par des raisons d’ordre militaire, que si la guerre avait duré quelques semaines ou peut-être seulement quelques jours de plus, les armées ennemies eussent subi un désastre complet, abattant, pour de longues années, la superbe allemande. Telles sont, en effet, les conclusions de l’Etude rédigée d’après les documents du Grand Quartier Général : « On est en droit de dire que la continuation de la lutte eût sérieusement compromis la retraite des armées allemandes de Belgique, que le commandement allemand ne pouvait plus conduire à la fois la bataille en cours et la retraite commencée et qu’il était sous la hantise de la nouvelle bataille de Lorraine. En un mot, c’est parce qu’il se sentait acculé à un désastre militaire imminent qu’il a demandé l’armistice... C’est pour éviter ce désastre, pour pouvoir amener sur le sol allemand ses armées en apparence intactes et proclamer qu’elles n’avaient jamais été battues, que le gouvernement se hâta de demander l’armistice et de le signer en acceptant les conditions les plus dures... »

Ces conditions n’eussent-elles pas pu avoir un autre caractère ? Sans être précisément plus dures, n’eussent-elles pas pu prévoir, avec plus de précision et d’autorité, le règlement de certaines difficultés européennes ? C’est la première question qu’il est permis de se poser. Il est impossible, toutefois, de ne pas tenir compte des raisons alléguées pour expliquer la prompte signature de l’armistice, et de la plus forte de toutes, à savoir qu’il ne fallait pas verser une goutte de sang de plus... Sans recourir à de nouveaux combats, un simple atermoiement de quelques jours eût, peut-être, permis d’imposer à l’Allemagne des conditions différentes et qui, comprises dans le texte de l’armistice, eussent immédiatement opéré. Quoi qu’il en soit, on a cru devoir signer rapidement : et c’est pourquoi je dis que la victoire, certainement acquise, n’en a pas moins été, jusqu’à un certain point, interrompue et non achevée.

Dans l’article paru en novembre 1916, je consacrais un chapitre à l’examen des conditions futures de l’armistice, « point de départ de toute négociation. » Cet exposé, plus développé encore, a été soumis, en temps et heure, aux personnes