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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/522

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navigation du canal de Suez. » Tant il est vrai que les hommes d’Etat anglais avaient su, dans un libre débat, éclairer l’esprit du président Wilson sur l’un des points les plus difficiles d’où dépendait l’union entre les Puissances alliées et associées.

Il en fut de même des réclamations de l’Angleterre au sujet des colonies allemandes. L’article 5 des 14 articles tendait à leur appliquer le principe du self control : « Un arrangement librement débattu, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, basé sur la stricte observation du principe que, dans le règlement de ces questions de souveraineté, les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les revendications équitables du gouvernement dont le titre est à définir. »

Or, à la suite de ces mêmes délibérations de Londres, l’attribution des colonies allemandes à certaines Puissances possédant d’autres colonies dans les mêmes régions a prévalu sous la réserve, plutôt de forme, que ces terrains ne seront administrés par lesdites Puissances bénéficiaires qu’en vertu d’un mandat octroyé par la Société des Nations.

Autre preuve de la facilité de compréhension et d’adaptation du président Wilson : quand on lui apporte de bonnes raisons, il modifie son point de vue et assouplit la rigidité apparente de certaines de ses décisions. Homme de pensée et homme de pratique à la fois, il sait écouter et il sait profiter.

Pourquoi supposer qu’il en eût été autrement quand il s’agissait des destinées de l’Europe continentale et que le président Wilson, ayant quitté l’Angleterre, vint s’installer pour des mois, sur le sol français, vivre de notre vie et s’habituer à entendre « la voix de la France ? » Pourquoi supposer qu’une discussion loyale et complète eût trouvé le président Wilson irréductible ?

De même que l’Angleterre avait une autorité toute spéciale et une politique définitivement arrêtée quand il s’agissait des questions maritimes et coloniales, la France devait avoir des principes arrêtés en ce qui concernait les questions continentales et, notamment, le statut politique et économique de l’Allemagne.

La France tient, de son passé et de ses services, le droit naturel et séculaire d’avoir un avis sur les destinées de l’Europe. Personne ne connaît l’Europe mieux qu’elle ; car, sans la