Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réfléchi, des deux races. Le nom de « Germains » ne prouve nullement l’existence d’une unité ethnique, c’est un mot gaulois qui veut dire « voisins. » La langue ne crée pas, à elle seule, la nationalité. D’autre part, les peuples du Rhin supérieur furent, de tout temps, les ennemis des peuples du Rhin inférieur, les Bataves, les Frisons, les Francs. Ces différences ethnographiques essentielles déterminent toute l’histoire du débat Franco-germanique. Les peuples du Rhin n’ont été soumis, et en partie seulement, à la domination prusso-germanique que depuis moins d’un siècle ; ils ont, au cours de l’histoire, toujours formé Etat-tampon entre France et Germanie ; ils ont toujours cherché leur appui, du côté de la France, contre la rude domination des ravageurs du Nord. Toutes les fois qu’ils l’ont pu, ils se sont donnés volontairement et rapidement à la France. La conquête germanique septentrionale, et notamment la conquête prussienne, leur a toujours été antagonique et odieuse. »

En posant ainsi la question, la France eût parlé en son nom et elle eût parlé au nom d’une Europe libérée ; par sa franchise elle eût éveillé, sans doute, chez des peuples qui ont été longtemps ses alliés ou ses protégés, les Rhénans, les Badois, les Bavarois, les Hanovriens, les Saxons, les Wurtembergeois comme chez les Danois, les Polonais, les Silésiens, des sentiments que la récente conquête bismarckienne a pu endormir mais non étouffer.

Les idées d’indépendance et d’autonomie sont naturelles à tous les peuples ; un premier retour de confiance eût suffi à les ranimer. En un mot, le principe de la liberté pouvait compléter fort heureusement et efficacement le principe, — interprété à la Bismarck, — de la nationalité. Ainsi la discussion se fût engagée par des arguments d’une grande force, sur le fond même du débat.

La France connaît les dessous des affaires européennes ; elle ne se laisse pas prendre aux apparences ; elle ne croit pas à certaines « camaraderies. » N’était-il pas permis à un avocat de la cause anti-bismarckienne, à un accusateur du peuple félon qui a donné les mains, sinon comme initiateur, du moins comme complice au grand crime international qui venait de se commettre, d’élever la voix, de formuler des réserves et de réclamer des précautions ?