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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/534

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de la Pologne, du Sleswig, etc., c’étaient les vieux pays de tradition allemande (mais non prussienne), qui remuaient au fond de leur résignation et se retournaient vers leurs antiques libertés. Un fait solennel et d’une gravité exceptionnelle vient de le prouver : quand s’est posée, devant le Conseil des États allemands, la question de la signature de la paix, on pouvait s’attendre à une violente manifestation d’unité. Or, ce fut tout l’opposé. Les avis ont été nettement partagés et ils ont été partagés ethniquement et géographiquement. Les États de l’Est ont voté contre la signature, les États du Centre et du Sud pour la signature. N’est-ce pas la confirmation de l’aveu fait par Bethmann-Hollweg : aujourd’hui comme hier, deux Allemagnes subsistent ? Imaginez qu’en France une pareille question ait été posée et que les votes émis aient été aussi nettement contraires entre pays au Nord et pays au Sud de la Loire : que penserions-nous de l’unité française ?

Sur ce grave débat et en vertu même des principes du président Wilson, la voie eût donc pu et dû être ouverte à une consultation des peuples intéressés. Encore une fois, il ne s’agissait nullement de dissocier l’Allemagne, mais de lui demander, à elle-même, ce qu’elle pense du régime qu’elle a subi depuis cinquante ans ?

Dans la crise qu’elle traverse, tout est possible : pourquoi écarter, d’avance, l’une des possibilités, l’une de celles qui étaient les plus conformes à un arrangement durable des affaires en Allemagne même et dans le monde ? Un traité qui eût engagé envers les Puissances, non pas seulement l’Allemagne, mais les États particuliers, eût été plus facilement conclu, plus facilement réalisable, plus facilement exécuté. Il nous aurait fourni, d’ores et déjà, des résultats certains. Il eût été, pour l’Allemagne elle-même, une garantie de paix intérieure et, pour tous, la plus simple et la plus normale des sécurités.

Nous ne l’avons pas pensé. Nous avons préféré supposer une vie durable et persistante du régime bismarckien. Soit ! Mais ne nous faisons aucune illusion. Cette condescendance ne nous vaut ni assurance ni gratitude pour le présent ou pour l’avenir. Au contraire, une grave menace subsiste et surplombe les affaires du monde. Et il en sera ainsi tant que l’impérialisme politique et unitaire allemand ne sera pas réellement abattu.