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la République d’Ebert a tous les stigmates du pangermanisme. En un mot, elle est bismarckienne.

Comment serait-elle autre ?

On a rappelé récemment que le Parlement révolutionnaire à Francfort, en 1848, a été un violent précurseur du pangermanisme, approuvant le bombardement de Prague qui voulait s’affranchir de l’Autriche, proclamant le Mincio frontière allemande et réclamant le duché de Sleswig-Holstein ainsi que l’Alsace, vingt ans avant Bismarck ! Les livres de Laskine et d’Andler établissent d’une façon irréfutable l’impérialisme des socialistes allemands : « Ceux-là se font une grande illusion qui escomptent le réveil, en Allemagne, de sentiments républicains depuis longtemps disparus... Au reste, la République du citoyen Scheidemann et du citoyen Südekum ne serait ni plus ni moins militariste, ni plus ni moins impérialiste, ni moins pangermaniste que l’Empire de Guillaume II. » Nous dirons, tout à l’heure, pourquoi et en quoi cet impérialisme est plus vigoureusement expansioniste et cent fois plus dangereux même que l’impérialisme, à figure militaire qui, du moins, met tout le monde en garde contre lui. La correspondance de Marx et d’Engels prouve, à chaque page, par les confidences de ces augures, « que ces internationalistes sont les premiers des pangermanistes [1]. »

Qu’il s’agisse de la lutte suprême pour l’unité bismarckienne ébranlée, au nom d’une « nationalité » allemande encore en suspens, qu’il s’agisse du masque plus ou moins baissé ou levé, selon les circonstances, d’une république démocratique, ce qui est certain, c’est que le Reich subsiste, et le Reich, c’est l’Empire.

Ce Reich se réclame des principes proclamés à Versailles pour consacrer l’existence d’une Allemagne unie faisant barrage au milieu de l’Europe, de la mer du Nord au Danube.

Cette Allemagne, qui est celle de Bismarck, diminuée de certaines bordures ethniques, n’en représente pas moins « l’État allemand » tel que l’a réédifié le chauvinisme exaspéra de la prétendue science germanique ; c’est l’Allemagne des professeurs et des soldats.

  1. Voyez les textes rassemblés dans les ouvrages cités, notamment Edm. Laskine, L’Internationale et le Pangermanisme. — Delaire, Au lendemain de la Victoire, et, dès avant la guerre, Paul Vergnet, La France en danger, p. 95 et suiv.