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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/537

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A défaut d’une nationalité allemande, d’une démocratie allemande, ce qui subsiste certainement, c’est un impérialisme politique allemand. Oui, il est abattu, il est affaibli, il est désarmé. Mais il reprendra des forces. L’histoire marche à grands pas. D’Iéna à la campagne de France, il y a quelques années ; entre les « Adieux de Fontainebleau » et le débarquement au golfe Juan, il y a quelques mois.

L’impérialisme militaire allemand a perdu de sa vigueur ; nous pouvons admettre même qu’il a perdu de sa confiance en lui-même et, pour le moment, de sa violence agressive. Considérons, cependant, qu’il reste debout au milieu d’une Europe à demi détruite. La Russie n’est plus un contrepoids : qui sait si elle ne deviendra pas, pour l’Allemagne, une réserve et un champ d’exploitation ? Les États voisins de l’Allemagne, Pologne, Roumanie, Tchéco-Slovaquie, Serbie, Grèce, vont passer par les crises de l’enfance, de l’adolescence, de la croissance. Les autres voisins, Suède, Norvège, Finlande, Danemark, Hollande, Belgique, Suisse, n’ont pas osé se prononcer. D’ailleurs, ils sont faibles, eux aussi. A supposer qu’ils veuillent lutter, un jour, pour leur indépendance menacée, comment résisteraient-ils à une pression allemande habilement et fortement exercée ? Le sort de l’Autriche, de la Hongrie, de la Bulgarie, de la Turquie, hier alliées de l’Allemagne, se décide à peine, et dans quel sens ? L’Allemagne a conservé, dans ces pays subalternisés, des intérêts et des partisans.

Il reste, dans l’Europe continentale, la France et l’Italie.

Les devoirs qui s’imposent à ces deux Puissances sont lourds : elles auront à porter le fardeau pour le monde entier, l’une en face de l’Allemagne, l’autre en face de l’Autriche.

Je sais, ni l’Angleterre ni les États-Unis n’abandonneraient, en cas d’agression de la part de l’Allemagne, leurs amis de la veille ; un traité les lie, d’ores et déjà, à la France ; leurs parlements, du moins, vont en délibérer. Une telle garantie est d’un prix inestimable et je ne la perdrai pas de vue un seul instant dans la partie « constructive » de la présente étude : mais la politique internationale ne se renferme pas toujours dans le dilemme : guerre ou paix. Il y a des intérêts, des rivalités, des concurrences, qui ne se règlent pas sur le champ de bataille. Jamais on n’a libellé un texte d’alliance qui puisse parer à tout. Les 60 millions d’Allemands unis qui vont ou subir