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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/578

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allait régner, sans parler d’une foule de dames d’honneur et de chambellans.

Tout ce beau monde se déroula lentement, au travers des campagnes lombardes, entre les haies de contadins accourus en foule pour voir passer la royale cavalcade. Le premier soir, on fît halte au village de Meda. Puis on partit pour Côme. Là, l’évêque Antonio Trivulzio, le clergé, la noblesse, les jurisconsultes, les médecins, en grand costume, vinrent prendre la nouvelle Reine et la conduisirent, sous un « baldaquin, » jusqu’au palais qu’elle devait occuper. Le reste de la noce s’égailla dans les maisons seigneuriales de la ville et des environs pour y passer la nuit. Le lendemain, après avoir dit adieu à sa mère à son frère qu’elle ne devait plus revoir et à sa belle-sœur, à Ludovic le More et à Béatrice d’Este, qui n’allaient pas plus avant que Côme, Bianca, suivie du reste du cortège, s’embarqua sur une galère frétée par les bourgeois de Torno, drapée de tapisseries et de verdure et maniée par quarante rameurs. Un bateau d’escorte pour recevoir les passagers, en cas de tempête, et toute une flottille de barques splendidement peintes et pavoisées l’accompagnaient.

Les voyages, comme tout le reste à cette époque, semblaient faits pour les peintres. Cela n’allait pas vite, cela n’était point sûr, cela n’était même pas confortable : c’était beau. Le moindre des touristes, aujourd’hui, fait à moins de frais sur les lacs d’Italie une randonnée plus facile, plus rapide et plus sûre : le plus grand n’en fait pas une si pittoresque. Les chroniqueurs disent, qu’à ce moment, un rayon de soleil, déchirant le réseau des nuages, toucha l’étendue plate et terne du lac, assoupi depuis plusieurs jours, sous un ciel orageux. Mais ce rayon ne devait pas durer. La traversée alla cependant assez bien jusqu’à Bellagio, situé à la fourche des deux lacs. Là, Bianca descendit et se logea chez un des familiers du More, )Marchesino Stanga, dans le palais tout battant neuf qu’il venait d’y faire construire, avec assez de goût, pouvons-nous supposer d’après l’exemple que nous avons, au Louvre, d’un autre de ses palais, celui de Crémone ; l’admirable porte.de pierre, ciselée, placée au rez-de-chaussée, à l’entrée de la salle Michel-Ange.

Le lendemain matin, l’amphitryon accompagna sa souveraine sur un bateau frété par les gens de Sala, le plus vite de