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il montre beaucoup d’affabilité, mais il ne veut les donner que lorsque cela lui convient. Il n’aime pas que les ambassadeurs viennent lui faire leur cour, à moins qu’il ne les fasse appeler près de lui. Il est extrêmement secret. Il vit dans une agitation continuelle de corps et d’esprit... » Quel partenaire pour la molle et sensuelle enfant que le portrait d’Ambrogio de Prédis nous révèle, et qu’un témoin taxe justement de noncuranza ! Quoi d’étonnant, si le mari prit l’habitude de ne voir sa femme que le soir, à l’heure du repos, et de passer toute la journée à ses occupations, loin d’elle !

Elle s’en consolait comme elle pouvait, avec ses toilettes, ses parfums, son confesseur et ses amies, — une surtout, qui l’avait suivie depuis Milan et qui ne la quittait guère, ni jour ni nuit, semble-t-il. C’était une certaine Violante Caimi, épouse d’un chambellan venu de Milan lui aussi, personne belle, bavarde, insidieuse, sans cesse occupée à nouer des intrigues et qui avait inspiré une tendresse sans bornes à sa jeune souveraine. Parfois, Maximilien avait la surprise d’entendre sa femme soupirer, pendant son sommeil : « Oh ! ma Violante ! » et la bonhomie de la réveiller pour lui dire : « Je ne suis pas Violante... » C’est qu’il tenait beaucoup moins de place, dans les préoccupations et dans la vie quotidienne de la Reine, que cette jolie et captivante amie : rien d’étonnant qu’il en tint moins dans ses rêves.

A tout moment, cette place excessive est dénoncée par les représentants, ou mieux, les espions du More. Un jour, Bianca, en veine de subite tendresse, voulut écrire à son oncle une lettre « de sa propre main, » mais voici que, tandis que le secrétaire s’éloignait pour préparer la minute, elle changea subitement d’idée, prétendit qu’elle avait mal à la tête et ordonna qu’on l’écrivit pour elle : elle la signerait seulement. « Ce changement n’a pu venir, selon moi, dit le secrétaire, que de Violante, qui était assise dans un cabinet avec Sa Majesté. »

Ceci encore peut se pardonner, et que sa femme n’écrivît pas assez souvent, ni de sa propre main, à son oncle, c’est ce dont Maximilien se consolait, sans doute, fort aisément. Mais il avait contre la favorite de plus graves griefs. Une fois que la ville de Cologne avait offert à Bianca, comme tribut du Rhin, 2 000 florins. Violante trouva le moyen de les lui faire dépenser en un seul jour. Ceci irrita davantage le maître qui, prodigue