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lui-même, entendait bien se réserver le monopole de la prodigalité. Enfin, il découvrit qu’elle intriguait avec l’ambassadeur de Naples, Girolamo Venti. Cette fois, c’était de la politique : il se fâcha tout de bon et interdit à sa femme de recevoir dorénavant le diplomate intrigant. Mais Violante était toujours là, et toujours si astucieuse et dominatrice que Brasca, tout net, le déclara : si l’on voulait mettre ordre aux choses de Sa Majesté, il fallait la chasser d’Allemagne avec son mari et « la Reine après huit jours n’y penserait plus, » — ce qui nous édifie sur la profondeur présumée de ses sentiments.

Privée de son amie, elle trouverait, pensait-il sans doute, des consolations dans la parure, la table ou la piété. De fait, elle accablait son oncle de requêtes somptuaires : elle voulait avoir des rangs de perles de la comtesse d’Imola, des parfums en poudre, des aigrettes de héron, qui lui étaient fournies par l’astrologue Ambrogio da Rosale, — auquel, enfin, elle avait trouvé un emploi judicieux, — une turchina, une toilette de brocart blanc, un offîcioletto, qu’on ne pouvait trouver ailleurs qu’à Milan, paraît-il. De même, un confesseur... L’Allemagne ne lui avait rien fourni, faut-il croire, de comparable à un certain Capucin, qui avait quitté son couvent de Saint-Ange, à Milan, pour venir voir sa sœur en Allemagne. Elle en avait fait son directeur de conscience. Elle ne voulait plus le laisser partir, tellement il lui agréait « pour sa consolation et son utilité, » et il la mit en « de telles voie et disposition meilleures qu’elle n’avait été depuis longtemps. »

On peut supposer, aussi, qu’en -outre de leurs mérites propres, ces bijoux, ces toilettes, ces parfums et ces personnes, même, avaient pour elle ce grand prestige qu’ils venaient de la Lombardie, du pays du soleil, des plaines fertiles et illimitées, des rendez-vous joyeux, des cortiles, des terrasses, de la musique, du langage mélodieux, des fleurs, — pays de son enfance, le plus fastueux et le plus élégant du monde entier, et que le monde entier, s’il fallait en croire le poète, reconnaissait pour tel.


Bel paese è Lombardia
Degno assai, ricco e galante...


chantaient les marchands du lointain et grand royaume de Soria, qui avaient traversé les mers pour venir voir ce que c’était :