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cathédrale où Bossuet habite : rue des Pècheresses, rue des Clercs, rue de Jurue, rue Taison, rue Fournirue, dans ces deux dernières surtout où, en 1684, il subsiste quatre-vingt-dix-neuf familles. En 1652, Bossuet doit trouver tout le temps des protestants sous ses pas.

Ils sont intelligents, actifs et riches. Dans les professions libérales, ils ont plus que leur contingent : « plus de la moitié des médecins et des apothicaires, » — dit un État présent de l’hérésie, dressé en 1654 probablement par des informateurs zélés du Saint-Sacrement ; — « plus de la moitié des avocats, trois procureurs, un commis au greffe, tous les clercs du greffe. » Ils ont des ingénieurs, des officiers et quatre conseillers au Parlement. En 1684, après les progrès et les succès de la grande persécution, ils conserveront la meilleure part du commerce et de la petite industrie : orfèvres, horlogers, droguistes, armuriers, tonneliers, merciers, chaussetiers, tailleurs, sculpteurs, graveurs en taille-douce, libraires. En 1654, « les deux tiers des changeurs sont religionnaires, » et les changeurs, c’étaient les banquiers. Religionnaires aussi à cette date, « quasi tous les marchands et les orfèvres qui sont les plus riches. » Leur richesse s’étale et au centre de la ville et aux faubourgs. C’est un huguenot « qui a fait bâtir la belle maison proche de Saint-Simplice ; » ce sont des huguenots qui « ont bloqué, » — comme s’exprime, indigné, l’informateur susdit, — la ville de Metz « par leurs châteaux et maisons des champs. »

Nombreux et opulents, ils sont influents. Ils n’ont pas le moins du monde cette humilité découragée qui parfois hâte la disparition des minorités énervées. Sans doute ils voient bien, et ils disent sans hésiter, que la fréquence des mauvais procédés gouvernementaux à leur égard atteste, — malgré quelques égards de forme, trop visiblement intéressés, — une malveillance intime et suivie. Mais de cette malveillance ils n’ont cure. Ils sont forts de leurs droits, qu’ils appuient sur l’Edit de Nantes, par le bienfait duquel, à Metz, durant la première moitié du XVIIe siècle, ils ont vécu paisiblement, — l’historien calviniste Elie Benoist l’avoue, — « dans les choses qui regardent proprement la religion. » Ces droits, ils les font valoir, soit au Parlement, institué à Metz en 1633 pour les Trois-Evêchés, soit dans les corps élus de la Ville. Au temps où Metz était administré par les « Treize, » ils y avaient toujours des représentants.