Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/645

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils en gardent dans l’Assemblée des Trois Ordres et dans l’Echevinage ; « la moitié » en 1654 parmi les Echevins, et qui ne sont pas les moins agissants. Nous avons vu un Bancelin député près du Prince de Condé avec Bossuet. « Les Echevins administrateurs de l’hôpital et des moulins, » les deux receveurs des contributions de la ville et des villages » sont huguenots. La milice du pays est commandée par deux officiers calvinistes.

Que de ces établissements, de ces honneurs et de cette influence ils n’abusent pas parfois, c’est le contraire qui étonnerait. Qu’ils ne soient pas ombrageux et rétifs, il se peut. « Messieurs de la huguenoterie, — disait cette note de police catholique de 1654, — ne veulent plus être appelés de la Prétendue. » Ils sont fiers aussi et trop portés à faire, ainsi que l’écrivait l’évêque Martin Meurisse, « bande à part. » Peut-être, à l’occasion, leur prosélytisme est-il provocateur. Le fait dont Bossuet se plaint à M. Vincent avec les circonstances qu’il donne, n’a rien d’invraisemblable. Sûrement enfin, semble-t-il, — et c’est le cas dans tous les milieux étroits, — ils sont volontiers taquins. Dans les rues, « leurs violleurs et Auteurs chantent publiquement les Psaumes, » et « d’aucuns relaps fredonnent par moquerie le Salve Regina. » En 1654, de leur paroisse de Courcelles, Schomberg chasse un « petit prédicateur » bénévole, qui « faisait le ministre, » probablement avec les excès de zèle d’une initiative sans mission.

En tout cas, il ne semble point que ces prévarications fussent graves. S’il était vrai, ce que l’évêque Meurisse prétend, que, « dans les métiers où ils sont maîtres, ils maltraitent cruellement les catholiques en les écartant des maîtrises, » il y aurait eu à Metz, dans ce XVIIe siècle où l’orthodoxie catholique se sentait forte de l’appui du pouvoir, des émotions populaires telles qu’il s’en produisit autre part. On n’en voit point. En 1610, Abraham Fabert l’imprimeur n’aurait pas célébré avec tant de ferveur, au sein même de sa ville, « la bénévolence et l’amitié, dont catholiques et protestants s’entr’aident les uns les autres, » autant « que l’humaine société peut le désirer, » si cette bonne volonté protestante dans la France en reconstruction n’avait pas été déjà visible. Durant le cours du siècle, à Metz comme sur presque tous les points de la France, les recommencements tentés par les seigneurs, rompus par Richelieu, de la lutte religieuse, échouent, et le lien