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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/654

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comme le fidèle : « Prenez garde, ô confesseurs ! Ce n’est pas moi qui vous parle, c’est le Concile de Trente qui vous avertit ; c’est Dieu même… Déliez, je vous le permets, mais liez, puisque je l’ordonne. Usez de ma miséricorde, mais ne l’abandonnez pas au mépris des hommes par une molle condescendance. » « Ah ! mon Sauveur !… quand je considère votre tête couronnée d’épines, votre chair si cruellement déchirée, je dis aussitôt en moi-même : Quoi ! une courte prière, un Pater, un Ave Maria, un Miserere sont-ils capables de nous crucifier avec vous ? Non. Il faut quelque chose de plus pénible, et c’est pourquoi le sacré Concile avertit sagement les confesseurs qu’ils doivent donner des pénitences proportionnées… En ordonnant des peines très légères pour des péchés très griefs, ils se rendent participants des crimes des autres. O sentence terrible ! Que répondront devant Dieu ces confesseurs lâches ?… C’est vous, diront les pécheurs, qui nous avez damnés, c’est votre pitié inhumaine, c’est votre pernicieuse indulgence. O Seigneur ! faites-nous justice contre ces ignorants médecins…, contre ces lâches conducteurs !… »

Ainsi a parlé Bossuet, non pas, remarquez-le, au temps où il frôla Arnauld à Port-Royal, mais dès le temps où, à Saint-Jean de la Citadelle, à Metz, il faisait sa partie, sous la conduite de MM. de Saint-Lazare, tâchant comme eux de « prêcher chrétiennement. » La lettre du 23 mai 1658, à saint Vincent de Paul, qui nous montre, en quelques mots significatifs, Bossuet prenant conscience de la poussée qu’il vient de subir, marque une espèce de date dans l’évolution consciente de sa pensée religieuse.


IV. — LA SŒUR ALLIX CLERGINET. — LE BOSSUET MYSTIQUE DE TRENTE-DEUX ANS

Parmi les occupations diverses qui remplissaient la vie provinciale de Bossuet, il faut sans nul doute compter la « direction spirituelle. »

Nous en aurions déjà au moins une preuve dans une lettre adressée à Mme de Schomberg, — lettre écrite par Bossuet soit pour le compte de la sœur Allix Clerginet, supérieure de la maison messine de la Propagation de la foi, — soit en son nom propre, car il connaissait lui aussi, on l’a vu, le gouverneur des