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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/685

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REVUE LITTÉRAIRE

LE TRACAS DES BEAUX-ARTS PENDANT LA RÉVOLUTION [1]

Des gens à qui l’on dit et l’on ressasse que leur activité commence les temps nouveaux, délicieux et admirables, il ne faut pas s’attendre qu’ils aient aucune patience à l’égard du passé. On leur dénigre le passé ; on leur raconte que les siècles précédents n’étaient que tyrannie et mômerie, que c’est fini de tout cela et qu’ils abolissent les ténèbres. Une œuvre pareille ne saurait s’accomplir avec douceur : on excite leur violence, on éveille leurs instincts énergiques ; et, parmi leurs instincts, il y a cette rage de détruire, qui est au fond de l’âme humaine comme un reste de barbarie ancienne ou comme un signe de barbarie perpétuelle. L’amour du passé, le goût des beaux-arts sont des sentiments délicats et fragiles, acquis tardivement, conservés à grand’peine, toujours menacés par les véhémences naturelles. Les amis de l’art et du passé, un lent travail, qui est celui de la civilisation, les a endoctrinés. Voici que l’on défait ce travail : à le défaire, il faut peu de temps ; et l’on supprime la doctrine, on la remplace par une autre, soudaine et, en quelque sorte, inaugurale. Bref, il n’est pas étonnant le moins du monde que nos révolutionnaires de 1793 et années environnantes aient démoli ce qu’ils voyaient de vieillerie, belle ou précieuse : ils s’en sont donné à cœur joie. L’étonnant, c’est qu’ils n’aient pas tout démoli.

  1. Procès-verbaux de La commission temporaire des arts, publiés et annotés par M. Louis Tuetey, deux volumes de la Collection de documents inédits sur l’histoire de France publiés par les soins du ministre de l’Instruction publique ‘imprimerie nationale et librairie Ernest Leroux).