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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/686

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Ils n’ont pas eu le temps. La Révolution, qui les avait lancés, redouta un beau jour leur entrain, qui devenait frénésie : elle tâcha de les contenir. Le 18 août 1793, la Convention, qui avait récemment supprimé les académies et chargé David, Haussmann, Romme et Dyzez d’inventorier ce qu’elles avaient possédé, ordonna que les mêmes commissaires s’occuperaient aussi de « toutes les machines, métiers, instruments et autres objets utiles à l’instruction publique, appartenant à la Nation. » Par un bonheur, ils voulurent bien considérer les objets d’art comme utiles à l’instruction publique. Ils montrèrent de la prudence et une vertu qui, rare à toutes les époques, est plus rare encore aux époques de révolution, la modestie. La besogne était immense et variée. Ils demandèrent qu’on leur adjoignît, en assez grand nombre, des citoyens « versés dans les différentes parties des arts, des sciences et des lettres. » On leur nomma trente-deux camarades et ils constituèrent la Commission des arts, qui tint sa première séance le 1er septembre 1793. M. Louis Tuetey vient de publier, en deux gros volumes in-quarto, les procès-verbaux de cette commission : les procès-verbaux et, en notes, les documents qui en sont le commentaire indispensable. Cette publication fait grand honneur à lui et à l’érudition française : on ne saurait mieux présenter les documents, avec la minutie la meilleure, une exactitude parfaite et le soin d’une clarté qui est une élégance.

La Commission des arts ou Commission temporaire des arts se divisa en sections : section d’histoire naturelle, section de physique, section de mécanique, section de peinture, — et sous cette rubrique on rangeait, avec la peinture, la sculpture et l’architecture, — section de bibliographie, et qui comprenait aussi la géographie, les antiquités et la musique. Les membres de la commission furent bien choisis, dans la troupe des républicains éclairés. Il y eut, dans la section d’histoire naturelle, Cuvier, Lamarck ; dans la section de physique, Vatiquelin, Berthollet ; dans la section de peinture, Fragonard, le paysagiste Le Sueur, Alexandre Lenoir, fondateur du Musée des monuments français ; dans la section de bibliographie, Monge, Barbier, l’auteur du Dictionnaire des anonymes. Voilà les noms les plus célèbres, auxquels il conviendrait d’ajouter les noms de citoyens qui, sans gloire, ont travaillé avec intelligence et courage, dans les circonstances les plus difficiles.

Le 27 vendémiaire an III ou bien, disons poliment, le 18 octobre 1794, Marie-Joseph Chénier, celui qu’on appela le frère d’Abel Chénier, ce Chénier-là prit à partie, en séance de la Convention, les