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de Verdun. La commission s’informa. Le serrurier, nommé Carrache, n’était pas le seul criminel : la municipalité, en corps, avec les citoyens sous les armes, avait brûlé « en grande pompe » les tapisseries, les livres et tons les objets provenant de la cathédrale ; elle avait forcé l’évêque constitutionnel Jean-Baptiste Aubry à danser autour du bûcher ; « après quoi, l’on s’est livré à une orgie de vandales. » La commission fera poursuivre les auteurs de ces délits. Elle ne peut les poursuivre elle-même ; elle n’a pas qualité judiciaire. Mais elle continue son enquête, afin de fournir aux autorités les preuves incontestables. Elle apprend que le bibliothécaire avait livré au commandant de l’artillerie sept voitures de vieux livres et comptes d’église. La municipalité, la société populaire et la force armée chantaient à qui mieux mieux des hymnes et l’on jouait une musique de guerre. Pendant que les flammes dévoraient livres et ornements religieux, on jetait dans ce foyer des statues et des œuvres d’art. Ce qui s’est passé là n’est pas une rareté. Dans le district d’Altkirch, on a brûlé toutes les bibliothèques. A Bressuire, « la guerre civile a tout et absolument tout détruit : les livres, les tableaux, les sculptures sont devenus la proie des flammes ; il ne reste, dans le district de Bressuire, que des cendres et des décombres. » A Clermont-Ferrand, ce fut Couthon qui présida aux dévastations : les énergumènes brisaient tout et « jetaient en triomphe » les débris autour de ce misérable.

La commission pria les administrateurs de Nîmes de rédiger leur inventaire. Ils répondirent que « le vandalisme de l’infâme Robespierre avait détruit pas mal de choses ; le reste, la cruauté de l’infâme Robespierre avait su le faire détruire : les particuliers qui possédaient une collection de gravures ou de tableaux, craignant « que l’ignorance ou la barbarie n’en prissent prétexte pour les conduire à l’échafaud, » s’étaient avisés d’incendier leurs trésors. Il y a encore des livres, à Nîmes : ce n’est, disent les administrateurs, qu’un « ramas de livres ascétiques, de jurisprudence ou polémique et controverse : » enfin, cela ne leur paraît bon « qu’à s’unir sous le pilon du cartonnier ; » ce n’était pas la peine de flétrir « le vandalisme de l’infâme Robes- pierre ! » Les Marseillais n’ont pas été nonchalants. A la porte de la ci-devant abbaye Saint-Victor, il y avait un tombeau païen, de marbre blanc, conservé à merveille. Un « vandale se disant bourreau des Grands-Carmes » y remarqua une figure de femme et soupçonna que c’était l’image d’une sainte : « il porta sur cette tête le marteau destructeur et, sans les représentations des garde-magasins des fourrages, sa rage n’aurait épargné aucun des restes de l’antiquité qui