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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/710

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justifie les lentes préparations. Ils tiennent de la main droite le bâton de commandement, étoile d’or. Et le premier usage qu’ils font de cet insigne de la dignité suprême, c’est de l’abaisser en un geste de salut, infiniment respectueux et tendre, devant le monument des morts.

Ils s’éloignent, suivis d’un état-major étincelant. Le cortège triomphal, qui vient par l’avenue de la Grande-Armée, va, entre deux rangées de spectateurs innombrables, sous des millions d’yeux extasiés, au milieu des applaudissements enthousiastes de tout un peuple, parcourir l’avenue des Champs-Elysées, traverser la place de la Concorde et sentir partout, sur nos boulevards pavoises, dans nos rues jonchées de fleurs la généreuse et puissante pulsation du cœur de Paris.

Voici nos alliés. Les Américains, en uniforme khaki, coiffés de leur casque de tranchée à forme plate, incliné sur l’oreille, jugulaire au menton, marchent d’un pas accéléré par la vive allégresse d’une musique entraînante. Le général Pershing, suivi de son fanion d’écarlate aux étoiles d’argent, est solide en selle, sur un alezan vigoureux et souple. Son profil énergique, sous la visière de cuir fauve, donne une impression de force intense, disciplinée par une constante maîtrise de soi. Il salue le monument des morts. On acclame au passage les délégations de l’armée américaine, les drapeaux qui là-bas, au delà des flots de l’Atlantique, chez nos amis des États-Unis, vont raconter aux générations avenir l’histoire de la croisade d’Occident.

La Belgique est représentée au défilé triomphal par le général Gillain et par quarante-huit drapeaux. Le martyrologe de la noble nation qu’ne conception cornélienne du devoir et de l’honneur a jetée tout de suite en pleine bataille contre un ennemi félon est présent à l’esprit de tous. Les soldats du roi Albert, chevalier sans peur et sans reproche, sont particulièrement chers à nos cœurs.

C’est toute l’histoire de la guerre qui se déroule devant nos yeux, chapitre par chapitre, sous les couleurs des drapeaux frissonnants. On entend des officiers démobilisés, repris par la nostalgie des cantonnements, expliquer à leurs voisins, au passage du maréchal sir Douglas Haig, les opérations victorieuses des troupes britanniques, ayant pour mission d’avancer entre l’Escaut et la Sambre, pour rejeter les armées ennemies sur le massif des Ardennes... Les drapeaux de nos alliés d’outre-Manche sont rehaussés de tons délicats et de couleurs somptueuses, chaque régiment d’infanterie, de cavalerie ou d’artillerie du Royaume-Uni et des dominions britanniques ayant ses enseignes distinctives, ses armoiries, comme autrefois les régiments