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a, vis-à-vis de l’Europe et du monde, des sujets de guerre permanents : pour des raisons que je vais rappeler rapidement, elle est fatalement hostile.

Cette politique prussienne traditionnelle, tous les hommes d’Etat autorisés l’ont caractérisée avec une précision telle qu’il faut ou une grande ignorance ou une confiance par trop béate en des protestations à peine voilées, pour s’y laisser tromper. Un des complices et des confidents de la Prusse, Metternich, l’a définie en ces termes, dès 1801 : « La Prusse, invariablement fidèle à ses vues et à ses principes, a gagné, dans les dix dernières années, une prépondérance marquée. Soutenant son rôle d’affranchissement de tous les devoirs de la morale politique, exploitant les malheurs des autres pays, sans avoir égard à ses obligations ni à ses promesses, forte des nombreuses acquisitions qu’elle a faites, la Prusse se trouve placée depuis quelques années au rang des Puissances ; de premier ordre. »

Le principe de cette politique a été dégagé, au milieu du siècle dernier, avec une perspicacité singulière, par un diplomate français, M. Lefebvre : « Telle qu’elle est aujourd’hui, dit-il, la Prusse est le plus grand obstacle à une paix durable sur le continent, parce que c’est la Puissance la plus mécontente de sa position présente et qu’elle fera tout pour la changer. Tout est faux en elle, excepté un sentiment universel actif qui domine sa population plus encore que son cabinet... c’est l’impossibilité d’être ce qu’elle est et l’obligation d’avancer ou de rétrograder. »

Qui ne reconnaîtrait, à ces traits permanents, la politique d’un Bismarck et même, à une échelle tout autre, celle d’un Bulow ? « S’accroître ou périr, » « Puissance mondiale ou décadence, » telle est la formule que celui-ci donne comme raison et comme excuse à la « politique mondiale. » Et c’est toute la philosophie de la dernière guerre.

La Prusse ne peut pas vivre en la paix, avec l’Europe si elle est forte, c’est-à-dire si l’Allemagne la suit, voilà la vérité. Les raisons de cette fatalité agressive, je les dirai très rapidement :

La pauvreté du sol prussien a produit l’étrange survivance en Europe du Junker, l’insatiable agrarien-hobereau ; en ce moment même, nous le voyons s’appliquer à reprendre, par les dessous, l’édifice démocratique improvisé par la défaite.

Le voisinage étroit de la Pologne et de la Prusse orientale entretient une chicane avec les peuples slaves que, pas une