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« Manuscrit de Genève, » est intitulé : De la Société du genre humain.

Une expérience décisive du Fédéralisme se produisit à la fin du XVIIIe siècle, coïncidant avec l’avènement de la liberté politique et de la démocratie. Il s’agit de cette constitution des États-Unis dont les principes, discutés dans le fameux livre du Fédéraliste, ramasse, pour ainsi dire, l’expérience et les réflexions du siècle et aboutit à un compromis, sagement délibéré, entre l’Unité d’un Empire et la localisation de la vie sociale et administrative. Ni l’exemple de l’Allemagne ni les préceptes de Montesquieu et de Jean-Jacques Rousseau n’étaient absents de l’esprit des Madison et des Jefferson, quand ils choisissaient les matériaux de l’admirable édifice qu’ils élevaient [1].


Il est assez surprenant que ce système de la Confédération ne soit pas apparu aux négociateurs de 1919, comme la solution des vastes débats politiques et internationaux engagés à la suite de l’échec des impérialismes européens.

Que ce soit en Russie, que ce soit dans les Balkans, que ce soit en Autriche (et, à mon avis, en Allemagne), le système fédératif est le seul qui permette d’aboutir à des solutions équitables, raisonnables, conformes au Droit et aux nécessités de l’existence.

Dans les cas complexes où les intérêts et les sentiments sont aux prises, où la nationalité est en lutte avec la géographie et avec l’histoire, où les races s’irritent les unes contre les autres et ne trouvent pas leur équilibre, le système fédératif est le seul, peut-être, qui puisse les articuler entre elles. La paix par une confédération bien équilibrée satisfait, à la fois, la démocratie et la liberté... Mais, nous avons oublié tout cela.

Pour reléguer, décidément, dans le passé le système bismarckien qui a mis le feu à l’Europe, il eût fallu lui substituer un principe élevé, une conception-mère. Le système fédératif répond aux besoins du temps ; les peuples sont en marche vers

  1. On peut consulter, à ce sujet, outre : le Fédéraliste (Commentaire de la Constitution des États-Unis), par A. Hamilton, J. Jay et J. Madison, traduit par G. Jay et Esmein, Paris, 1902, l’ouvrage du président Wilson : Le Gouvernement congressionnel. Étude sur la politique américaine, paru en 1884. Édit. Boucard et Jèze. Et, comme résumant le débat actuel : J.-B. Scott : Notes de James Madison sur les débats de la Convention Fédérale de 1787 et leur relation à une plus parfaite Société des Nations. Trad. par de Lapradelle, édit. Bossard, 1919.