Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/779

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des garanties sans être des obstacles. Une Allemagne plus souple renaissait, et l’on pouvait entrevoir le temps où elle redeviendrait, comme au moyen âge, le lien et le nœud d’une Europe organisée.


III. — COMMENT LES PUISSANCES ALLIÉES APPLIQUERONT LE TRAITÉ

En l’absence d’une conception d’ensemble sur l’organisation future de l’Europe, le traité a sanctionné des solutions qui, précisément parce qu’elles sont très hautes et très larges (je parle de la « Société des Nations, ») ne s’adaptent pas aux événements actuels, ni aux applications de détail et de transition. Il a bien fallu reconnaître que l’organisme mondial ne pouvait entrer en fonctions tout de suite : or, c’est le tout de suite qui importe. Des déterminations graves vont être prises pour longtemps, l’orientation va se décider, des habitudes et des « plis » en résulteront qui seront peut-être difficiles à corriger.

Une certaine forme de garanties et des moyens d’action immédiats étaient nécessaires : on les a rencontrés dans un procédé emprunté, en somme, à la vieille politique, l’alliance entre les grandes Puissances.


L’Alliance . — Le Pouvoir exécutif de la victoire. — Parmi les Puissances signataires du traité, trois ont conclu entre elles un projet d’alliance les unissant « dans le cas de tout acte non provoqué d’agression dirigé par l’Allemagne contre la France. » Cette alliance est surtout conservatrice du traité. C’est une « Sainte Alliance » des trois plus grandes démocraties du monde. Elle était indispensable.

Il fallait un « pouvoir exécutif » des volontés des Puissances victorieuses, pour que ces volontés entrassent dans la pratique et dans l’application [1]. Sans quoi, le traité n’eût été qu’une manifestation verbale avec sanction platonique par une autorité désarmée. On nous avait promis des garanties contre une agression nouvelle de l’Allemagne : garanties territoriales et garanties d’alliance, les deux étaient nécessaires. Elles ne s’excluent pas l’une l’autre, et nous étions en droit de les

  1. Sur la nécessité de ce « pouvoir exécutif » composé des grandes Puissances, voir mon article dans la Revue du 15 novembre 1916, p. 49 et suiv.