Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/780

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réclamer toutes deux. Mais, puisqu’on nous déniait, — sans qu’ait été dit pourquoi, — les garanties territoriales, du moins sentit-on la nécessité absolue, sous peine de faillir à la victoire commune, de nous offrir l’alliance.

D’ailleurs, l’œuvre de la paix en elle-même est loin d’être terminée. Si le traité avec l’Allemagne a été signé (et même ratifié par la principale partie intéressée), les autres actes internationaux qui doivent achever le statut général européen sont à peine ébauchés ; rien de fait en ce qui concerne la question autrichienne avec ses infinies complications ; rien de fait en ce qui concerne les Balkans et l’Orient musulman ; rien de fait en ce qui concerne les questions asiatiques, puisque la Chine elle-même n’a pas signé au traité. Plus les délais se prolongent, plus les difficultés se compliquent. Il faudra faire sentir, de temps en temps (par exemple au sujet d’incidents comme ceux d’Aïdin ou de Mitau), la force permanente de la victoire. L’alliance des trois est donc une nécessité au point de vue de l’achèvement de la pacification générale et des paix particulières qui ne sont pas scellées. On ne rentre pas chez soi avec la besogne aux trois quarts inachevée.

Mais la triple alliance était plus nécessaire et plus urgente encore au point de vue de l’application du traité avec l’Allemagne. Sans garantie de frontières, la France restait dangereusement exposée. A moins de manquer à leur signature et disons-le franchement, à leurs plus hauts intérêts matériels et moraux, les deux grandes Puissances qui avaient combattu à ses côtés ne pouvaient se désintéresser de la suite des grandes affaires européennes.

Il a fallu que cette nécessité fût ressentie bien profondément pour que le président Wilson s’écartât spontanément de la doctrine de Monroë et des conseils contenus dans la fameuse lettre de Washington au sujet de la politique extérieure des États-Unis. Il s’est engagé fermement. Son intention est de peser de tout son poids auprès du Parlement et du peuple américain pour que cet engagement soit tenu. Espérons qu’il réussira, puisque, sans cela, nos « garanties » deviendraient à peu près illusoires.

Les faits, d’ailleurs, se chargeront de prouver à quel point l’alliance est nécessaire [1]. Pour ne parler que du traité avec

  1. Voir, ci-dessous, le discours si important de M. Lansing.