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collective » d’adaptation qui finira, le temps aidant, par établir le Droit, c’est-à-dire par obtenir le consentement des parties.

Cette œuvre est éminemment l’œuvre de la diplomatie. On l’a beaucoup accablée hier : on va tout lui confier demain. Je le reconnais, elle n’est pas entrée dans la phase nouvelle des grandes affaires européennes par la bonne porte : elle n’a su ni se délivrer du passé ni envisager franchement l’avenir. Si elle eût été prête au moment où on lui demandait de dicter les conditions de l’armistice, elle eût établi plus solidement les bases de la paix. Elle s’est laissé surprendre. Sans doute, timide comme elle l’est, elle n’avait pas « réalisé » pleinement la victoire. Et puis, le fantôme de l’œuvre bismarckienne encombrait ses avenues : elle n’a pas su le dissiper à temps.

Aujourd’hui, elle va prendre confiance, sans doute. Qu’elle regarde seulement : elle verra bien que le bloc allemand n’est pas si solide. Cette matière en fermentation lui est livrée : qu’elle la travaille ; qu’elle la travaille avec ses ressources qui sont grandes, mais surtout avec les ressources des peuples qui sont immenses.

Il n’est pas un pays de l’Allemagne qui ne doive être traité en particulier et comme un cas méritant les soins les plus attentifs. Précisément parce que l’Allemagne est de formation complexe, il faut, à ses maux et à ses misères, des remèdes différents. Le cas prussien est, de toute évidence, différent du cas hanovrien, bavarois, etc. La Prusse, c’est le foyer : il faut qu’elle se sente isolée et que ses humeurs se résorbent au contact des réalités de la vie. Elle en souffrira dans son orgueil. Mais qu’y faire ? Tant qu’il lui restera une graine d’ambition, elle la sèmera sur le monde.

Aux autres pays germaniques on eût pu appliquer, dès le début, le régime de la séparation, soit en signant avec eux un armistice séparé, soit en les appelant à prendre une part directe aux négociations : on ne l’a pas fait. Mais, pour demain, et quand il s’agira des finances, du commerce, de l’industrie, des importations et des exportations, qui empêche de le faire ?

On dirait que nous sommes sur le point d’attribuer un traitement de faveur à l’Autriche : pourquoi pas à certaines régions de l’Allemagne, si c’est notre intérêt de les ménager ?...

Puisque l’Allemagne se divise, naturellement, selon le régime de ses montagnes, de ses fleuves, de ses mers, pourquoi