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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/795

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demande à l’Amérique de rester chez elle et de ne s’engager dans aucune action permanente internationale. Smuts attribuerait volontiers à la Société des Nations la mission de gouverner, du moins à titre temporaire, la plus grande partie de l’Europe.

Cette divergence fondamentale s’affirmait, comme il arrive si souvent, sur une question d’ordre du jour. La Westminster Gazette du 27 janvier 4919 posait, comme d’un de ses correspondants de Paris, la question en ces termes : La Société des Nations sera-t-elle le péristyle de l’édifice de la paix ou n’en sera-t-elle que le couronnement, le toit) En un mot, commencera-t-on par la Société des Nations, ou finira-t-on par elle ?


L’opinion de la France. — On voit l’intérêt qui s’attachait, dans ces conditions, à l’opinion de la France. Elle pouvait faire pencher la balance : soit laisser l’édifice en l’air, soit le fonder sur la terre.

La France fut, comme on sait, lente à se prononcer.

L’idée de la Société des Nations, acceptée par une partie très énergique de l’opinion, fut combattue non moins énergiquement et, je le reconnais, pour des raisons d’un grand poids. Ou craignait d’affaiblir le ressort de la guerre en ouvrant, trop tôt, les perspectives de la paix. Le projet lui-même était considéré comme peu pratique, chimérique, irréalisable. On se refusait à en aborder l’étude, sans se dire qu’un jour ou l’autre il faudrait bien s’y mettre. Ainsi, on laissait échapper l’occasion de prendre en mains l’affaire et de dégager une solution marquée au sceau de l’esprit français : tact, mesure, équité, bon sens.

La France, qui est la plus exposée parmi les grandes Puissances, avait le plus d’intérêt à organiser un système durable de protection contre les maux de la guerre : l’opinion publique l’avait profondément senti. Mais, au gouvernement, on hésitait. Cependant, pour donner satisfaction à une aspiration si légitime, une commission chargée d’étudier la question de la Société des Nations fut réunie au quai d’Orsay sur l’initiative de M. Pichon et sous la présidence de M. Léon Bourgeois.

M. Léon Bourgeois, dont le rôle aux Conférences de La Haye avait été si éclatant, dirigea avec une réelle maîtrise les travaux de cette commission et ceux de l’ « Association française