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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/796

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pour la Société des Nations. » Un rapport mûrement délibéré était prêt en juin 1918. Il devint la base des résolutions du Gouvernement français, mais sans provoquer, de sa part, un sentiment nettement déclaré.

M. Pichon, ministre des Affaires étrangères, répondait, le 29 décembre 1918, à M. Bracke qui l’interrogeait, à la Chambre, sur la résolution du Gouvernement au sujet de la Société des Nations : « M. Bracke nous a questionnés sur la Société des Nations, en invoquant le texte du président Wilson. Je réponds à M. Bracke que nous avons accepté le principe de la Société des Nations, que nous travaillerons très sincèrement à sa réalisation effective et qu’elle ne rencontrera aucun obstacle, bien loin de là, de notre côté. » Ce n’était pas très chaud.

M. Clemenceau précisait, en ces termes, la pensée du cabinet :

« Tout le monde a dit avec raison : il ne faut pas que cela puisse recommencer. Je le crois bien ! Mais, comment ?

« Il y avait un vieux système qui parait condamné aujourd’hui et auquel je ne crains pas de dire que je reste, en partie, fidèle en ce moment : les pays organisaient leur défense : c’est très prosaïque !

« Ils tâchaient d’avoir de bonnes frontières et ils s’armaient... Ce système aujourd’hui parait condamné par de très hautes autorités. Je ferai cependant observer que si l’équilibre qui s’est spontanément produit pendant la guerre avait existé auparavant, si, par exemple, l’Angleterre, l’Amérique, la France et l’Italie étaient tombées d’accord pour dire que quiconque attaquerait l’une d’entre elles attaquait tout le monde, la guerre n’aurait pas eu lieu. Il y avait donc ce système des alliances auquel je ne renonce pas, je vous le dis tout net, et c’est ma pensée directrice... J’accepterai, d’ailleurs, toute garantie supplémentaire (il s’agit visiblement de la Société des Nations) qui nous sera fournie. »

En un mot, le gouvernement français laissait l’organisation de la Société des Nations dans la catégorie de l’idéal. Il réclamait surtout, « en allant à la Conférence, » deux garanties qui lui paraissaient indispensables, une frontière sûre (c’est-à-dire le Rhin) et une alliance entre les peuples menacés par l’Allemagne.

Ces vues précises et réalistes n’entraient pas exactement dans le système du président Wilson et, encore moins, dans celui de M. Lloyd George.