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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/803

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les deux partis, mais encore les spectateurs frémissants, — le monde remué aux moelles, — y apportèrent ; l’enjeu de la lutte qui était, après une guerre sans merci, l’extrême du triomphe ou de la défaite, oui, tout fut d’une grandeur insolite. Mais on put voir que si grand que soit un événement, il y a quelque chose de plus grand encore : l’âme d’un chef, car à la taille de l’événement, on allait mesurer celle de l’homme qui, appuyé sur d’admirables soldats, le maîtrisa et le conduisit.

Du 21 mars, 4 heures 10, — où sur le front des 3e et 5e armées britanniques commença le trommelfeuer préparatoire à la formidable attaque allemande, — au 11 novembre, 11 heures, — où la capitulation ayant été signée par les représentants de l’Allemagne, le feu, sur un front tout entier en marche, cessa de la Belgique à la Lorraine, la bataille aura, sans notable interruption, duré 235 jours. Elle aura tenu entre les dernières neiges d’un hiver et les premières d’un autre.

Après s’être, au gré de l’assaillant allemand, déplacée de la Picardie aux Flandres, aux plateaux de l’Aisne, aux hauteurs de l’Oise, à la plaine de Champagne, aux rives de la Marne, la lutte s’était élargie, quand, saisissant soudain l’initiative des opérations, un grand chef français avait entendu arracher la décision à un ennemi encore redoutable qu’il pressait de toutes parts. Le champ de bataille s’était alors étendu du centre du front, qui était la région d’entre Marne et Aisne, à toutes ses parties ; de la Mer du Nord aux rives de la Meuse (et les champs de Moselle allaient s’allumer), le feu courut, cernant un ennemi bientôt aux abois. Ce front, si longtemps désespérément stable, s’était mis en mouvement, enserrant en un cercle tous les jours plus menaçant, l’adversaire déconfit en plus de vingt rencontres.

Alors, — et c’est ce qui achève de donner à cette bataille de France son caractère de grandeur, — il apparut qu’en quelques semaines, Foch et ses armées remontaient le cours de l’histoire.

La Bataille de France semble une synthèse tout d’abord de l’énorme guerre à laquelle elle allait mettre fin. Tous les noms qui, depuis 1914, avaient successivement rempli nos communiqués, ceux de la Marne et ceux des Flandres de 1914, ceux d’Artois et ceux de Champagne de 1915, ceux de Verdun et ceux de la Somme de 1916, ceux de l’Aisne et ceux de l’Oise de 1917, on les vit reparaître ; mais les caractères en parurent