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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/804

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changés : car ceux qui, à force de trainer en tant de communiqués, avaient presque lassé l’attention, apparaissaient maintenant illuminés par la victoire en marche qui bientôt les semait derrière elle. Ainsi, de la forêt d’Houthulst à la hernie de Saint-Mihiel, des villages de la Somme aux bois de l’Argonne, des collines d’Artois aux rives de la Suippe, Foch, poussant en avant ses armées ivres d’une joie sacrée, les jetait vers ces plaines de Belgique, et bientôt ces champs de Lorraine qui avaient vu nos premiers échecs : car, ayant rompu le cercle fatal, nos armées couraient à Anvers, Liège, Mons, Charleroi, Arlon, Virton, Morhange. Et tandis que la guerre de 1914 ainsi se refaisait, les soldats de Gouraud, chassant les Allemands de Sedan, semblaient y déchirer la capitulation qui, le 2 septembre 1870, avait préparé notre ruine.

Et quand l’épilogue de ce drame énorme eut été la rentrée en Alsace et Lorraine de la France acclamée, la réapparition dans la vallée de la Sarre des arrière-neveux de Vauban, la réinstallation sur le Rhin du drapeau de 1792, il parut bien que la bataille qui, du fond de l’abime où paraissaient nous plonger nos défaites du 21 mars et du 27 mai, nous avait portés à nos frontières naturelles reconquises, achevait de revêtir, par cette magnifique apothéose, le caractère que l’histoire lui reconnaîtra et que Foch, dès le 12 novembre, proclamait devant ses troupes. C’est « la plus grande bataille de l’histoire. »


On ne raconte point, au lendemain du jour où elle s’est terminée, pareille lutte en ses détails. Pendant sept mois et demi, six millions d’hommes s’affrontèrent ; ils s’affrontèrent sur un champ de bataille de 400 kilomètres ; cent combats se livrèrent ; à parler juste, cette bataille de 235 jours est une suite, puis un agrégat de batailles. Ce fut un fourmillement d’armées. Il s’en faut qu’on puisse aujourd’hui entrer dans le détail de ces actions ; beaucoup sont encore mal connues. Si, cédant à la tentation d’aller chercher, à côté du cerveau du chef, l’âme du combattant, on entreprenait de descendre jusqu’à l’action de tel bataillon engagé, ou même de tel régiment, ou même de telle division, on s’exposerait, — dans le désir d’être juste, — à être injuste, car le bilan n’est pas encore fait, que seuls, peut-être, nos petits-enfants pourront établir. Et puis