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tenant sur les sommets, il faudra demander à qui lira cette série d’articles une attention un peu soutenue. Et pour que cette attention lui soit rendue un peu moins difficile, il importe de situer tout d’abord la bataille dans l’espace et le temps, dire au préalable, à grands traits, quel était le champ de bataille et en quelles circonstances s’allait engager l’action, quels étaient les forces en présence et les desseins des états-majors. Les faits qui suivront en paraîtront, je l’espère, un peu plus clairs.


II. — LE CHAMP DE BATAILLE

A la fin de 1917, le front dessinait, de Nieuport à la frontière suisse, une série de grandes lignes brisées, si présentes encore au lecteur, que je suis autorisé à ne les évoquer que très brièvement. Des dunes de la mer du Nord au saillant d’Ypres, la petite armée belge tenait, depuis quatre ans, derrière le talus historique du chemin de fer de Nieuport à Dixmude et le canal de l’Yser. Ypres, plus au Sud, tenu par nos alliés britanniques, était le centre d’un saillant qui, à travers diverses vicissitudes, s’était maintenu comme une sorte de bastion avancé de la courtine qui, de Dunkerque à Calais, couvrait le littoral.


Les troupes britanniques, dans l’été de 1917, avaient, au prix de lourdes pertes, en reconquérant les crêtes à l’Est d’Ypres, « donné de l’air » à cette place forte improvisée. Mais elles n’avaient pu faire plus. C’est que, en face de cette partie du front, les Allemands avaient, eux aussi, transformé en forteresse cette forêt d’Houthulst qui suffisait à gêner toute offensive partant du front adverse. Si, assis sur les crêtes du Nord et de l’Est d’Ypres et, au Sud, sur la ligne des Monts, l’Anglais semblait interdire l’accès des ports du Pas-de-Calais, l’Allemand, de son côté, paraissait, — après l’assaut finalement vain de 1917, — enlever aux Alliés tout espoir de ramener par les armes le roi Albert non seulement à Bruxelles, mais même à Gand. L’arène que depuis des siècles offre cette plaine de Flandre aux armées de l’Europe, — je renvoie à ce que j’en ai écrit ailleurs [1], — semblait décidément fermée aux armées alliées. Il paraît bien que, forts de la plus récente épreuve, les

  1. Voir la Revue du 1er août 1917.