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Allemands se trouvaient, de ce fait, rassurés sur le flanc droit de leur dispositif occidental. A la vérité, l’Etat-major britannique pouvait également se croire assuré de couvrir contre toute attaque les abords du détroit ; je me rappelle quelle impression de force m’avait, en 1917, laissé le mont Kemmel, dominant la plaine flamande de ses cent coudées. Au Sud, la Lys formait fossé et, depuis août 1917, les Anglais la tenaient derechef jusqu’à Warneton.

Cette rivière pouvait cependant être pour l’Allemand un couloir tentant vers le Pas-de-Calais. Si, ayant fait crouler la ligne entre Warneton et La Bassée par un coup droit sur Armentières, il s’engageait dans la vallée, le bastion d’Ypres, pris à revers, paraissait devoir crouler ; et rien ne semblait, dès lors, couvrir Cassel, Hazebrouck, Aire et, plus en arrière, les villes de la côte. En revanche, si les Alliés étaient en mesure de s’engager en forces sur la Lys en aval de Warneton, vers Wervicq et Courtrai, la forte agglomération de Lille-Tourcoing-Roubaix, depuis 1914 entre les mains de l’Allemand, devait être par lui abandonnée, et, par ailleurs, la route de Gand ouverte. D’où l’intérêt de cette partie du front, théâtre, depuis quatre ans, de tant de combats et où nous verrons, presque aux deux périodes extrêmes de notre grande bataille, — avril et octobre, — du fait des Allemands, puis du nôtre, le feu se rallumer.

Du Sud de la Bassée aux environs d’Arras, le front tenu par les Anglais semblait préservé de toute mésaventure. Nous avions, en mai et septembre 1915, puis nos alliés britanniques en 1917, payé de flots de sang la conquête des crêtes qui couvraient Arras au Nord et à l’Est, Pour nous, cette partie du front pouvait être un tremplin d’où s’élancer, pour menacer, à Douai et à Cambrai, deux nœuds importants de communications ; la récente attaque des Anglais sur Cambrai avait, de ce côté, alerté l’ennemi.

C’était moins l’Artois que la Picardie que celui-ci couvait d’un regard de proie. Nous l’avions, en 1916, chassé du pays de la Somme et il avait dû, devant la menace d’une redoutable attaque sur ses flancs, achever, en mars 1917, d’évacuer la poche où il était engagé. Il avait alors reculé son front de façon très notable vers l’Est, entre Marcoing et La Fère. Mais il avait installé sa défense sur cette redoutable position Hindenburg que je serai amené à décrire et qui, sans cesse fortifiée et