Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/808

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

refortifiée depuis un an, lui paraissait interdire au plus audacieux adversaire l’approche de la haute vallée de l’Oise ; grosso modo (il en sera plus tard reparlé), la position était, en cette partie du front, parallèle à la route de Cambrai à La Fère par le Catelet et Saint-Quentin. C’était, cette « ligne Hindenburg, » baptisée de tous les noms de la mythologie wagnérienne, de Siegfried à Wotan, l’inviolable barrière qui, de loin, interdisait à toute offensive alliée les approches même du massif d’Ardennes. Il paraissait d’ailleurs à l’Etat-major allemand impossible que pareille offensive pût jamais atteindre pareil objectif. Derrière la ligne Hindenburg, c’était, en effet, sur une profondeur de plus de 150 kilomètres, une suite d’obstacles naturels qui, utilisés par le génie allemand (j’y reviendrai à la veille du grand assaut de septembre 1918), semblaient bien devoir constituer d’infranchissables obstacles ; rivières, hauteurs, forêts, des limites de la Picardie aux premières pentes ardennaises, se multiplient et se magnifient ; nous le verrons mieux en suivant plus tard, vers le massif d’Ardennes, nos troupes victorieuses ; chaque obstacle abattu ou franchi marquera un important succès. Mais dans les premiers jours de 1918, l’Allemand nous voit si peu engagés dans ce dédale que, tout au contraire, nous l’allons dire sous peu, il médite de faire de la « ligne Hindenburg » non plus une défense formidable, mais un tremplin d’où bondir sur nos lignes entre Somme et Oise.

Le massif de Saint-Gobain où se coudait la ligne, était, entre La Fère, Laon et Anisy-le-Château, le bastion d’angle du mur, qu’en 1917, nous avions pu investir sans le faire sauter. Nous étions alors parvenus à nous rendre maîtres des plateaux entre Aisne et Ailette et, de ce fait, approcher Laon : l’Aisne avait cessé d’être le fossé de cette première enceinte qui rendait, avant avril 1917, inaccessible cette montagne de Laon, une des clés de voûte du système allemand. Le flanc ennemi en restait pressé et c’était menace constante. Ces plateaux de l’Aisne constituent, — j’ai essayé de le démontrer ici [1], — le mur principal élevé par la nature en avant de l’He de France : qui s’en est rendu maître, menace ou couvre la capitale. Nous avions réoccupé le mur ; il était essentiel aux Allemands, pour investir derechef, et de loin, Paris, de le ressaisir ; mais muni de troupes

  1. Les Batailles de l’Aisne, Revue du 15 août 1918.