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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/809

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solides et nombreuses, un tel mur semblait inattaquable. On comprend que les Allemands aient pensé le tourner à l’Ouest en mars, avant que de l’enlever, démuni par les circonstances, en mai 1918. A la vérité, ils le pouvaient aussi tourner vers l’Est ; l’échec de nos attaques d’avril 1917 au Nord de Reims laissait l’adversaire maître de la trouée de Juvincourt ; à l’Est de Craonne, Reims, resté sous son feu et presque sous sa main, pouvait, semblait-il, être assez facilement emporté ; mais derrière, se dressait, autre défense lointaine de l’Ile de France, la montagne de Reims que nous avions ressaisie au soir de la Marne. Par ailleurs, la prise du massif de Moronvillers, plus à l’Est, par la 4e armée française en avril-mai 1917, nous avait assuré une position redoutable à qui essaierait de forcer l’Ile de France par le Nord-Est. On était autorisé à penser, aux premiers jours de 1918, que, décidés à l’offensive, les Allemands la déclencheraient dans cette région. Ils n’y songeront qu’à l’été de 1918.

Telle chose était d’autant plus probable, que la possession des Monts de Champagne devait, à l’heure où, à notre tour, l’offensive nous serait permise et peut-être imposée, favoriser une nouvelle offensive de Champagne. De ce côté, nous étions, depuis nos attaques de septembre 1913, en face du fossé creusé par la Py, derrière lequel l’Arnes, puis la Retourne constituent des lignes d’eau parallèles, tandis que plus à l’Est la Dormoise en dessine une autre. Il n’en va pas moins que le vieux plan de 1915, la marche d’armées en direction de Vouziers et de Rethel, pouvait ressusciter de ses cendres. Ainsi l’Ardenne était-elle abordable par le Sud, si la « ligne Hindenburg » nous paraissait constituer à l’ouest du massif un mur inviolable — et la « Ligne » ainsi tournée. L’opération eût été relativement facile, si nous n’eussions été, depuis quatre ans, dans la région meusienne, par l’occupation du nord de l’Argonne par l’ennemi, d’une part, et, de l’autre, par l’existence du saillant de Saint-Mihiel, entravés dans nos gestes.

En résumé, — et il fallait bien tracer cette esquisse avant tout exposé des faits, — le front de France, tel qu’il se présentait dans les premiers jours de 1918, offrait aux deux Armées opposées de très grandes chances d’opérations heureuses. Sans doute, l’Allemand, des dunes flamandes aux rives de la Meuse, entamait si profondément la France du Nord-Est que, bien