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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/810

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plus facilement qu’en août 1914, il se pouvait porter vers le Bassin Parisien ou le Pas-de-Calais ; depuis près de quatre ans, la frontière, si l’on peut dire, entre l’Allemagne et la France était de telle façon avancée, que l’Allemand, en certains points, se trouvait à moins de trente lieues de Paris. Sans doute aussi avait-il dû, pendant les trois années qui avaient suivi sa défaite sur la Marne, abandonner de notables morceaux de terrain et nos opérations de la Somme et de l’Aisne avaient-elles notamment éloigné la menace, pendant de si longs mois, suspendue sur Paris. Par ailleurs, la dernière bataille des Flandres semblait avoir décidément fermé à l’Allemand l’accès de la mer, tandis que le camp de Verdun, reconstitué en son intégrité, de l’automne de 1915 à l’été de 1917, le contenait à l’est de l’énorme champ de bataille. De ce fait, les Alliés avaient recouvré, des collines d’Ypres aux Hauts de Meuse, en passant par les hauteurs de la Somme, les plateaux de l’Aisne et les « Monts » de Champagne, non seulement une forte ligne de défense, mais des positions excellentes pour le jour où l’offensive générale serait par eux reprise.

Mais une position, si elle vaut beaucoup par elle-même, n’a cependant qu’une valeur toujours relative. Que signifie une place forte sans défenseurs ? La géographie n’est qu’un des facteurs de l’histoire. La condition de la victoire et la cause de la défaite ne sont pas exclusivement dans l’excellence des positions, elles dépendent avant tout du génie du chef, mais, pour une grande partie, résident dans la force des effectifs, à la condition de donner au mot force tout son sens ; j’entends son acception morale comme son acception matérielle. Le problème se résolvait donc en une question tout à la fois de forces matérielles et de forces morales. Et c’est pourquoi, ayant, pour l’intelligence des grands événements qui vont se dérouler, ébauché rapidement l’aspect du champ de bataille, il nous faut parler des circonstances où s’allait engager la lutte.

Retenons simplement que, suivant que les forces de l’un ou de l’autre belligérant, utilisées par la science stratégique des grands chefs, rompraient le front de l’adversaire, chacun des deux partis était en position de mettre le vaincu dans la situation la plus périlleuse. Car si les Alliés étaient, le cercle étant rompu, contraints de combattre le dos à la mer ou le dos à Paris, — je reviendrai sur ces points, — et ainsi gênés dans