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Elle comptait sans l’âme du soldat qui, depuis le premier jour, n’avait pas faibli. Elevé au commandement suprême de l’armée française à l’heure où un nuage paraissait assombrir les cœurs, le général Pétain avait mis tous ses soins à refaire le moral de ses troupes ; cœur frémissant lui-même sous une apparence froide, esprit sagace servi par un clair regard, il avait mieux fait que comprendre la situation, il l’avait sentie : il avait entendu que le raffermissement de la discipline fût assuré par le rassérènement des âmes ; des offensives heureuses, soigneusement préparées et menées avec ce mélange de prudence et de fermeté qui le caractérisent, en août au Nord de Verdun, en octobre sur le Chemin des Dames, avaient rendu à nos hommes l’impression qu’on pouvait toujours « avoir le Boche ; » une véritable entreprise de restauration morale avait, d’autre part, donné de si heureux résultats que jamais peut-être le soldat français n’avait montré une âme plus haute, une conscience plus nette de son devoir, un esprit de sacrifice plus complet, et, par surcroit, une bonne humeur plus alerte au service d’une bonne cause. C’était une arme bien trempée que Pétain avait en main et si l’on mesurait une armée à la qualité plus qu’à la quantité, nous n’avions jamais été si riches.

De son côté, sous le chef tenace et résolu qu’était le maréchal Douglas Haig, le soldat anglais s’était singulièrement fait depuis deux ans. Dédaigneux du péril, solide et opiniâtre, il était devenu combattant redoutable : moins personnellement débrouillard que son frère d’armes français, il se montrait d’une solidité magnifique ; à la condition d’être conduit, il était prêt à aller où le chef le conduirait, à y rester ou à y revenir et c’était dès lors bien affaire de commandement que ces beaux bataillons tinssent ou ne tinssent pas ; — d’ailleurs, lorsque ses chefs le jetaient à l’assaut, capable, nous le verrons du reste, des plus singuliers exploits.

Les Américains allaient, eux aussi, faire preuve des plus belles qualités combatives ; mais leur eussent-ils rendu justice, nos ennemis étaient, je le répète, autorisés à ne considérer comme ennemis pour l’heure redoutables que les Français et les Britanniques.