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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/832

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vers la ligne de bataille, — incertaine. Elles formeraient bientôt l’armée dont l’état-major était déjà au travail.

Le général Humbert, soldat énergique et opiniâtre, combatif et agressif, — c’est l’bomme de Mondement, — paraissait envisager d’un œil parfaitement calme une situation cependant si compromise. La 5e armée britannique continuait à rompre et à se replier dans la direction Nord-Ouest, où la poussait Hutier. La ceinture d’eau, qui couvrait encore le 22 la région, était tout entière aux mains de l’ennemi : le canal Crozat, le canal de la Somme jusqu’à Ham. Si les renforts arrivent, si Humbert, qui, pour défendre l’Oise, a un excellent bras droit, Pellé, a maintenant, pour disputer la trouée de Montdidier, son bras gauche, le général Robillot, les troupes arrivent fort démunies. Mais partout, de Fayolle qui, — attendant Debeney et son armée, — prend, avec la sérénité souriante qui lui est coutumière, le commandement suprême des 3e et 1re armées, aux plus modestes soldats, la consigne courait : tenir, tenir.

En fait, « tenir, » pour l’heure, voulait dire : « Ne céder qu’à toute extrémité, » car il était difficile de prendre un pied solide sur un terrain si ébranlé. Mais tandis que les troupes de Pellé défendraient le massif boisé de la Cave et de Beaugies qui couvre Noyon, une ligne de défense s’organiserait en arrière sur les collines de l’Oise, interdirait à l’invasion ce massif de Thiescourt, — la « Petite Suisse, » — des bastions, de l’Ile-de-France, et ainsi endiguerait en direction de Paris le raz de marée allemand. Dès le 24, tout en s’acharnant à fermer à l’ennemi l’accès de Noyon et de Lassigny, — qu’il savait cependant d’avance perdus, — le général Pelle paraissait sûr d’opposer une résistance sans défaillance au Sud de ces cités.

A sa gauche, à la vérité, la situation était plus mauvaise. Le 5e corps britannique avait cédé, au Nord, sur la ligne de la Somme que l’ennemi avait franchie à Béthencourt, Pargny et Epinancourt ; le flot allemand allait déferler vers la ligne Roye-Chaulnes-Lassigny, en direction de Montdidier. Robillot est, par Humbert, jeté au-devant du flot, car un trou s’est produit là, vers Nesle, dans la ligne anglaise : un régiment français y est précipité et l’ennemi arrêté. Mais la bataille restait confuse, incertaine, tissu dont à tout instant la maille se rompait, mêlée où il fallait sans cesse aveugler une voie