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Debeney en effet avait enfin son armée ; il était venu remplir l’espace que le repli da 18e corps britannique laissait entre la région de Montdidier et celle de Moreuil. Le ruisseau des Trois Doms coulant du Sud au Nord, de Montdidier à Hamel, l’Avre, se coudant vers le Nord et courant vers Moreuil, constitueraient le cas échéant une ligne de défense ; mais Debeney entendait qu’on se battit en avant et poussait ses divisions. Cet ancien professeur de l’Ecole de Guerre, nous le verrons se révéler un des premiers manœuvriers de notre armée. Pour l’heure, cet homme, fortement charpente, à la figure pensive et un peu tourmentée, est rempli d’une énergie empreinte d’âpreté. Il la communiquera à ses divisionnaires : « Tenir comme des teignes, » criera l’un d’eux à ses colonels. Debeney contresignerait le mot, d’ailleurs inspiré de ses ordres.

La liaison a été tout d’abord, le 27, assurée avec les Anglais. Les circonstances imposant cet amalgame qu’on nous refusait depuis longtemps, le 18e corps britannique est même un instant mis sous les ordres de Debeney. Celui-ci prend ainsi le commandement de toutes les troupes couvrant Amiens jusqu’à la Somme. Mais, à sa droite, la prise de Montdidier a creusé un trou. Debeney le signale à Fayolle avec une raideur qui laisse deviner son angoisse : « Il y a un trou de 15 kilomètres entre les deux armées où il n’y a personne. Je demande au général Fayolle de faire prendre des troupes et de les faire porter au Nord du Ployron pour s’opposer au moins au passage de la cavalerie. » Au Nord, l’ennemi gagnait si rapidement, qu’un officier de l’état-major Débeney, envoyé en reconnaissance à Davenescourt, tomba dans un parti allemand. On se battait partout, ne reculant qu’après avoir infligé à l’adversaire des pertes qui le retardaient dans sa marche vers Amiens comme il avait été, trois jours avant, retardé dans sa marche sur Noyon. Fayolle avait expédié des troupes dans la région du Sud-Ouest de Montdidier. La défense de cette partie du champ de bataille s’asseyait. Et il était temps, car une ruée allemande se préparait pour le 28, destinée à tout emporter.

Au Nord, les troupes de la 5e armée britannique n’avaient cessé de se replier depuis le 23 au soir. « Les divisions et brigades, écrit le maréchal Haig, avaient, dans les fréquents replis, perdu contact entre elles el, sous la pression de l’ennemi, le mouvement de retraite continuait. » Le 24, dans la matinée,