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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/841

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l’air d’un chimiste qui, connaissant ses formules, voit avec un intérêt particulier, mais sans aucun étonnement, ces formules se concrétiser en phénomènes au fond de sa cornue ou de son éprouvette. Il se pose nettement la question. Il a raconté comment Verdy du Vernois s’est, sur le champ de bataille de Nachod, écrié : « Au diable l’histoire et les principes ! Après tout, de quoi s’agit-il ? » Il a adopté la formule. « De quoi s’agit-il ? » se dit-il à lui-même, et la vérité sort de ses voiles parce qu’il la déshabille de son œil gris si perçant.

Mais tout de même, il a commencé, comme Verdy du Vernois, par consulter l’histoire et les principes. Car c’est, à ses yeux, la source de la science. Peu d’officiers se sont donné une culture si forte et tout à la fois si étendue. A causer avec lui, on a l’impression d’un enragé liseur, mais d’un liseur qui fait sienne toute chose lue et a, depuis le collège, « fait marcher son cerveau. » Il n’y a pas d’homme en France qui, à l’heure présente, connaisse mieux « ses auteurs, » de Frédéric à Napoléon et de Clausevitz à de Bracke, mais s’il cite imperturbablement sa correspondance de l’Empereur, il étend beaucoup plus loin sa science et connaît la politique autant que la mathématique. Pourquoi ? Parce que la culture est la condition essentielle de l’envergure et qu’en élargissant sa science, on élargit ses pensées. Un Foch voit clair et vite parce qu’il a beaucoup vu, beaucoup lu et beaucoup retenu. « La réalité du champ de bataille, a-t-il écrit, est qu’on n’y étudie pas : simplement on fait ce que l’on peut avec ce que l’on sait. Dès lors pour y pouvoir un peu, il faut savoir beaucoup et bien. » Avant que le champ de bataille s’ouvrit, il savait « beaucoup et bien. »

D’ailleurs point de pédantisme militaire ; pour développer ses facultés, il y faut l’exercice ; sans doute faut-il « avoir fait ses humanités militaires, » mais, ajoute-il, « étudié et résolu des cas concrets. » Toujours le : De quoi s’agit-il ?

Par dessus tout cela et pour « l’animer, » — un mot qu’il aime employer parce qu’il est lui-même toute vie et toute animation, — une volonté, une conscience, une foi.

« Victoire égale... volonté. » — « La victoire va toujours à ceux qui la méritent par la plus grande force de volonté. » — « Une bataille gagnée, c’est une bataille où l’on ne veut pas s’avouer vaincu. » La volonté, elle est dans la mâchoire qui alourdit, mais renforce d’énergie cette forte tête, dans la voûte