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satisfaction. » Cette conscience s’adresse aux consciences. La victoire ne peut être faite que de l’accord.

Enfin une foi. Il a parlé un jour des croyants. « Ceux-là sont heureux qui sont nés croyants, mais ils sont rares… » Il est de ces « rares » « heureux ». Il a la foi. Il croit à une force supérieure, il croit aux forces morales, il croit à la guerre, il croit au génie, il croit à la France. En un mot, il croit. En 1870, il a essayé, à dix-neuf ans, de se battre, n’a pu qu’endosser l’uniforme sans aller au feu ; il est entré à l’École polytechnique avec l’idée fixe qu’il appartenait à sa génération de laver la honte ; pas un instant, cette foi n’a failli ; il attendra cinquante ans ; il a la même foi, à soixante-six ans qu’à vingt. Il a foi surtout dans le soldat français, il l’aime, il l’admire. « Nous avons un combattant, un soldat incontestablement supérieur à celui d’Outre-Vosges par ses qualités de race : activité, intelligence, entrain, impressionnabilité, dévouement, sentiment national. « Il compte sur lui avant tout — à une condition, c’est qu’on ait cultivé son moral : Victoire égale supériorité morale chez le vainqueur, dépression morale chez le vaincu. » Sa bataille de 1918 sera tout entière un acte de foi dans la supériorité finale des forces morales, un acte de foi dans le soldat français, un acte de foi dans la fortune du pays. Peut-être sa foi a-t-elle été chercher plus haut encore son appui.

Telle quelle, c’est une âme d’un mêlai peu ordinaire que celle-là. Et elle était maîtresse du corps. Si Turenne morigène sa « carcasse, » Foch, sans aucun scrupule, la surmène. Je l’ai ailleurs montré faisant, dans la bataille des Flandres de 1914, l’apprentissage de ce rôle de coordinateur qui va s’étendre et se magnifier, se muer en commandement suprême. Tout Foch tient dans ce tableau et c’est pourquoi je n’ai pas de scrupule à en détacher quelques traits :

« Il avait peu d’effectifs, il y suppléa par des combinaisons. Car il est d’esprit ingénieux — et puis il a, à soixante-cinq ans, l’activité d’un jeune capitaine. Ce diable d’homme eut bientôt le don d’ubiquité. On le trouvait partout, usant ses pneus et la route, mais ne paraissant guère s’user. Courant d’un quartier général à un autre, de « chez Castelnau » « chez d’Urbal, » de « chez Maud’huy, » « chez French, » regardant, interrogeant, comprenant, reprenant des plans, en faisant un avec les morceaux d’un autre, toujours prêt à boucher les voies d’eau, rendant