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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/848

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importe, c’est que l’on ne lâche plus de terrain : « Il n’y a plus un mètre du sol de France à perdre, » écrit-il, le 27, à Pétain qui est plus qu’homme du monde prêt à l’entendre. Il faut arrêter l’ennemi « là où il est. » « Pour cela organiser rapidement un front défensif solide et préparer en arrière des réserves de manœuvre puissantes en prélevant résolument sur tout le front. » Les troupes engagées doivent donc s’organiser pour tenir à tout prix et durer sur place.

C’est ce que, depuis vingt-quatre heures, se fiant plus à son action personnelle qu’aux meilleures plumes, il est allé lui-même rappeler à chacun ; car voici le Foch des Flandres qui reparait ; qu’on ne dise point qu’il a trois années, — et quelles années ! — de plus ; l’existence de ce sexagénaire va, pendant sept mois et plus, tenir du prodige. Sachant, dès que son alter ego, le général Weygand, est installé à son Quartier Général, qu’il peut sans crainte s’en évader, on le verra courir les quartiers généraux, les postes de commandement, reparaître une heure à son propre quartier général, en repartir pour Paris, soudain paraître dans les Flandres, soudain en Champagne, et plus la bataille avancera, plus on lui devra attribuer le don d’ubiquité. Et comme il a raison ! Persuasif à sa manière, faisant accepter la sévérité de certaines critiques ou la rigueur de certains ordres par le ton familier, cordial, un peu goguenard, au besoin par le geste expressif dont il les souligne, il ne laisse jamais derrière lui un interlocuteur que convaincu.

Ainsi a-t-il, dès le 26, une heure après son investiture, couru à Dury où il a vu Gough et l’a enfin fixé, en lui mettant, si l’on peut dire, les deux mains sur les épaules, — très énergiquement : « 19e corps. Tenir à tout prix sur le front La Neuville-les-Braye-Chignolles-Rosières-en-Santerre-Rouvroy-en-Santerre ; — 18e corps. Tenir à tout prix sur le front Rouvroy-en-Santerre-Guerbigny. » Attendre la relève avant que de reculer un homme, que de se replier d’un pas. À Dury, il a vu également le chef d’état-major de Fayolle, le général Barthélémy. Il lui a remis une courte note d’un style pressant : « Maintenir à tout prix au Sud de la Somme la position actuellement occupée par la 5e armée britannique de La Neuville-lès-Braye à Rouvroy et à Guerbigny. Soutenir, puis relever le plus tôt possible la 5e armée britannique au Sud de la Somme… » Après avoir téléphoné à Debeney l’instruction sur la conduite à tenir, il