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encercler Amiens, il tenait sous son feu le nœud de communications que représentait cette ville et notamment la voie ferrée de Paris-Calais. Si donc il déclenchait vers l’Artois, vers la Flandre une nouvelle offensive, si, ayant porté vers le Nord ses attaques, il les reportait brusquement sur le Sud, les mouvements de rocade de nos réserves en étaient singulièrement gênés. L’avance réalisée augmentant le front à défendre de 50 kilomètres, diminuait par là les réserves des Alliés quand déjà l’un d’eux — l’Anglais — sortait de la bataille avec des pertes considérables. Par ailleurs, ces réserves étaient, par la situation créée, nécessairement immobilisées en grande partie pour couvrir Amiens si nettement menacé et la direction de Paris dont les routes devaient être maintenant l’objet d’une constante surveillance. Dorénavant les Alliés combattaient le dos à la mer et à l’Ile-de-France, ramenés à la situation à laquelle avait mis fin la bataille de la Somme de 1916 et même à pire.

Cette situation sollicitait l’attention du général Foch. Nous savons déjà qu’il était dans ses principes que la meilleure défensive réside dans l’offensive. Dans la circonstance, pareille opinion se fortifiait de la nécessité d’abolir le plus promptement possible les pires conséquences de la bataille. Celle-ci n’était pas finie, qu’il envisageait la perspective d’une offensive qui dégagerait Amiens et nous rendrait « la libre disposition » de la voie ferrée. A travers toutes les vicissitudes de la bataille, il gardera cette idée fixe, immuable, inébranlable ; après chaque offensive de l’ennemi, il la remettra à l’étude : se tenir prêt à prendre l’offensive et particulièrement reconquérir la liberté de nos communications avec le Nord.

La première condition était « la constitution de fortes réserves de manœuvre. » Elles seraient à deux fins : car si elles nous rendaient, le cas échéant, capables d’attaquer, elles nous permettraient, au pire, de répondre à l’attaque ennemie où qu’elle se produisît. « Pour constituer cette masse de manœuvre aussi fortement et rapidement que possible, les prélèvements devaient être faits résolument sur les fronts non attaqués. Toutes les mesures devaient être prises en conséquence.

Le 3 avril, — la bataille touchant à sa fin, — il revenait à ces principes dans sa directive 2. Il entendait y préciser le rôle des armées française et britannique pour la suite des opérations.