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plaie n’était pas encore cicatrisée, quand arrive à la prison l’ordre « l’envoyer sur-le-champ Merjay à Charleroi pour un nouveau procès. Le malheureux est interné à la prison de Charleroi. Pendant quatre semaines, il séjourne dans un cachot infect, souterrain, sans être entendu par le Conseil de guerre, sans livres, sans occupations. Il ne sait du monde extérieur que ce détail atroce : dans un autre cachot de la prison se trouve son vieux père, impliqué dans le même procès que lui, une grave affaire d’espionnage. Un peu plus tardait apprendra que le vieillard, condamné à mort, est tombé sous les balles allemandes. Pendant ce temps, la plaie de mon camarade s’envenime. Il demande le médecin de la prison : après un examen sommaire, le médecin déclare la chose sans importance ; il ne procède même pas à un pansement. La gangrène se met dans la plaie, qui maintenant suppure abondamment et dégage une odeur insupportable. Malgré tout, on ne soigne pas encore le pauvre garçon. Bien plus, pendant ces quatre semaines, il n’a pas pu changer de linge une seule fois et il ne lui a même pas été possible de se déshabiller. Plus fort encore : un beau jour, sous prétexte qu’il pourrait lui prendre envie de se pendre, on lui enlève ses bretelles, les lacets de ses souliers ; on va jusqu’à vouloir lui retirer le bandage tout détrempé de pus qui est passé autour de son corps. Devant cette dernière cruauté le surveillant s’arrête, toutefois, et, mû par un sentiment de pitié, il remet à Merjay un vieux morceau de drap de lit, de quoi étancher un peu l’écoulement de sa plaie. Ce fut le seul adoucissement apporté à ce long martyre. Sur ces entrefaites arrivent des ordres nouveaux. Sans que le malheureux eût été entendu une seule fois par le tribunal de Charleroi, on décida de le renvoyer à Cassel. Il y débarqua dans un état pitoyable. Le médecin le vit, jugea immédiatement le cas grave : le même jour, il expédiait Merjay à l’hôpital civil de Cassel. Là enfin il fut opéré comme il le fallait et reçut les soins que réclamait son état. Sa vigoureuse constitution le sauva, par une espèce de miracle.

Il y a pire encore dans les annales médicales de Cassel, c’est ce qui se passe à l’infirmerie de la prison.

La plus grande appréhension qu’ait un prisonnier politique, c’est d’être envoyé en cet endroit qui devrait, semble-t-il, favoriser la guérison des malades. J’y. ai pénétré une fois, à la