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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/919

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autre circulaient des correspondances virulentes, d’où la politique n’était pas toujours exclue. À lire ces polémiques, je me croyais parfois rentré dans la libre Belgique, la Belgique d’avant la guerre…

D’une manière générale, cependant, l’entente entre les prisonniers était bonne, et bon aussi notre moral. Les plaintes étaient rares parmi nous. Les petits, en particulier, supportaient avec une étonnante vaillance la dure vie qui leur était faite. Cette vaillance, ils la conservèrent jusqu’au bout. À aucun moment, même lorsque l’horizon politique apparaissait le plus sombre, le courage ne vint à leur manquer, ni la foi dans le triomphe final de notre cause.


Au printemps de 1918, un grand nombre de Belges furent envoyés à la prison de Vilvorde. Moi-même, à la fin de l’été, je fus expédié à celle de Siegburg. Ce fut là que vint me surprendre, trois jours avant la signature de l’armistice, la nouvelle de ma libération.

Ce fut la révolution allemande qui nous ouvrit les portes du bagne.

Le vendredi 8 novembre, à l’heure de la promenade, nous vîmes pénétrer dans la cour de la prison des soldats et des marins en tenue, porteurs de cocardes rouges. « Vous êtes libres ! nous crièrent-ils. Nous sommes les marins de Kiel. Nous faisons le tour des prisons prussiennes pour délivrer tout ce qui s’y trouve. »

Mes camarades et moi, nous ne pûmes, tout d’abord, pas en croire nos oreilles. L’annonce de la liberté surgissant ainsi brusquement devant nous, nous causa, pour commencer, plus d’ahurissement que de joie, et nous ne savions trop à quel parti nous résoudre. Mais notre hésitation fut de courte durée. Nos libérateurs nous apprirent qu’ils avaient forcé l’entrée de la prison à coups de mitrailleuses. Nos cellules étaient ouvertes, ajoutèrent-ils, le personnel maté et un train spécial vers la Belgique serait mis à notre disposition à Cologne, par la révolution, maîtresse de toute la région rhénane.

Nous rentrâmes aussitôt dans nos cellules, pour y faire notre petit bagage. Les surveillants qui, le matin encore, nous traitaient comme des criminels, — à Siegburg ils étaient particulièrement