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convois, débouchaient du plateau de Vélizy, faisaient retentir les rues désertes de leurs pas cadencés et s’engouffraient dans les bois de Ville d’Avray, dont elles allaient occuper les hauteurs : c’étaient les troupes de la IIIe armée, commandée par le Prince Royal et chargée d’investir le front Ouest de Paris. Cette première prise de possession n’était que le prélude de l’occupation définitive, consacrée quelques jours plus tard par l’arrivée du Grand-Quartier général. Le 5 octobre, à la tombée de la nuit, le Roi Guillaume faisait son entrée à Versailles par l’avenue de Paris, entre deux haies de soldats prussiens et bavarois, et se rendait à la Préfecture, où le saluaient les acclamations de 300 officiers massés devant les grilles. Le soir, une retraite aux flambeaux défilait sous ses fenêtres et, la semaine suivante, ses principaux fonctionnaires civils et militaires venaient le rejoindre dans sa nouvelle résidence.

Le séjour de ces États-majors et de cette armée donna désormais à la ville un aspect d’animation matérielle qu’elle devait conserver jusqu’à la fin du siège de Paris. Sur les avenues et dans les rues, un mouvement continuel d’estafettes, d’escortes et de cavaliers aux uniformes multicolores ; dans les lieux publics, une affluence toujours renouvelée de soldats venus en permission des avant-postes, avides de se refaire des fatigues de la tranchée, remplissant les restaurants du bruit de leurs mâchoires et de leurs conversations ; au Château, les salles basses transformées en ambulance, la terrasse en promenoir pour les convalescents, la cour en parc d’artillerie dont les canons encadraient la statue de Louis XIV ; le grondement continuel du canon accompagnant en sourdine les sonneries de trompette, les brefs commandements et les piaffements de chevaux qui forment l’harmonie habituelle des villes de garnison ; la parade en musique tous les matins devant la Préfecture, et parfois, le dimanche, le jeu des grandes eaux dans le Parc, devant une assistance exclusivement militaire ; les jours où Paris tentait une sortie, une agitation fébrile des troupes ; des alertes en grande hâte : telles furent les scènes auxquelles la population versaillaise dut assister pendant près de six mois et dont son patriotisme cherchait en vain à fuir le spectacle.

Dans la foule anonyme des envahisseurs, quelques hauts personnages s’imposaient par leur rang à l’attention publique. C’étaient en première ligne le Roi, le Prince Royal, le Chancelier