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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/932

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le plus considérable de l’Allemagne, de le lui offrir par une lettre officielle ; qu’à son défaut le Roi de Saxe était tout prêt à prendre cette initiative et à en recueillir les bénéfices. Le Chancelier poussa la complaisance jusqu’à résumer ses arguments dans une note rédigée de manière à servir de canevas à la lettre demandée, et qui contenait une phrase d’adhésion implicite aux stipulations du traité. Sans apercevoir le piège, Holnstein recueillit le précieux papier et l’emporta en toute hâte à Hohenschwangau, où son maître était allé fuir pour un temps les contingences terrestres. Il le trouva en proie à l’un de ses accès de mélancolie habituels, tourmenté par de violentes rages de dents, incapable de réagir contre une pression sérieuse. Louis II se laissa d’autant plus aisément persuader qu’il redoutait par-dessus tout de se laisser devancer par le Roi de Saxe. Il se borna donc à recopier sous la forme d’une lettre, que Holnstein rapporta en toute diligence à Versailles, le brouillon qui lui avait été si obligeamment préparé. Dès le 3 décembre, le prince Luitpold de Bavière remettait à Guillaume Ier l’autographe royal. Avec une dextérité, qui cette fois touchait à la prestidigitation, Bismarck avait donc réussi à transformer en promoteur de l’Empire le principal adversaire de l’unité.

Il ne pouvait songer à employer de pareils artifices pour surmonter les résistances que rencontrait la signature des traités au sein de certains parlements. Les concessions par lesquelles il avait cru devoir acheter l’assentiment de la Bavière paraissaient excessives aux unitaires de Berlin, insuffisantes aux particularistes de Munich. Il sembla craindre un instant que les uns ou les autres ne remissent tout en question, en repoussant ou simplement en modifiant les textes soumis à leur approbation. Ces inquiétudes s’apaisèrent au bout de quelques jours. Sous l’entraînement de l’opinion publique, les membres du Reichstag du Nord se décidèrent les premiers (10 décembre) et envoyèrent un des leurs, Lasker, à Versailles pour offrir la couronne impériale au Roi Guillaume. La lutte fut plus vive en Bavière où le parti « patriote, » c’est-à-dire catholique et particulariste, dominant dans la seconde Chambre, tenta un effort désespéré contre la suprématie éventuelle d’un Empereur protestant. Il réussit à retarder jusqu’au 21 janvier la ratification définitive du traité, qui n’obtint que 102 voix contre 48. La majorité requise pour les changements constitutionnels étant